Où en est la conjoncture économique et sociale au printemps 2021 ? *


* Texte du rapport présenté par l’auteur le 3 mai 2021 au comité exécutif national du PCF. Ce travail s’est beaucoup nourri de la réunion de conjoncture de la commission économique du PCF, qui a réuni le 27 avril dernier plus de 40 participants, y compris des responsables des commissions « Entreprises » et « Santé, protection sociale », ainsi que d’une importante note d’Yves Dimicoli intitulée « Le nouveau défi américain », en ligne sur le site www.economie-et-politique.org (https://dev.economie-et-politique.org/2021/04/13/le-nouveau-defi-americain/).

On examine ici trois dimensions de la conjoncture : Pandémie, Biden, interrogations sur la France et l’Europe

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Pandémie (brièvement)

La pandémie reste le contexte de fond marquant.

5,5 % de vaccinés dans le monde avec une dose… (424 millions avec une dose, dont 201 millions avec deux doses). Cela interroge sur les variants et sur la suite, car plus on vaccine lentement, plus cela ouvre la voie aux variants résistants. D’autant plus qu’on envisage 21 mois pour vacciner toute la planète. Ainsi, certes on est allé vite, mais il y a beaucoup de problèmes de fond. Rappelons qu’un (des) vaccin(s) ne suffit pas : il faut aussi un service public de santé en bon état et bien réparti sur les territoires (hôpitaux, vaccination, …), il faut avancer sur les traitements, et aussi sur l’organisation, etc.

Quant au vaccin : non seulement il faut que les brevets deviennent des biens communs, les rendre libre de droits, mais il on manque actuellement de capacités de production et de gens qualifiés, donc se pose la question de la formation, des emplois, des investissements, de la logistique, et même de l’observation-test (répartition des variants… avec par exemple observation à partir des eaux usées, comme pourrait le faire Véolia et les autres, etc.)

La pandémie masque toutefois la crise économique, qui a commencé avant (pour la France c’est très clair, puisque le PIB reculait déjà au 4è trimestre 2019) et dont elle a été un révélateur et un catalyseur. Pandémie et crise économique entrent en résonnance l’une avec l’autre pour s’amplifier en une crise sanitaire mondiale majeure (3,2 millions de morts depuis le début de l’épidémie, 12.000 morts par jour, soit deux fois plus qu’il y a 1 an ; Brésil très haut en décès par habitant, mais aussi Pologne, forte accélération en Inde mais aussi en Tunisie, pays d’Afrique…).

Les inégalités entre pays se sont creusées de façon gigantesque : 5,5 % de vaccinés dans le monde, mais 50 % au Royaume-Uni et 44 % aux USA ont déjà reçu une première dose, contre 3,2 % dans le reste du monde (2,4 % dans l’Europe hors UK, 0,3 % en Afrique, 10 % en Asie (dont 18 % en Chine), 3,6 % en Amérique du Sud (6 % au Brésil)).

Débuts de la présidence Biden

Les mesures prises par Biden sont la toile de fond du débat de conjoncture et de politique économique, elles orientent considérablement le débat et les esprits.

Que nous apprennent les débuts de la présidence Biden ? Notons au préalable qu’on a un mélange de mesures et d’annonces qu’il est difficile de distinguer. De même qu’il n’est pas toujours simple de quantifier les masses budgétaires portant sur l’année courante et les masses portant sur plusieurs années.

La caractéristique la plus importante, je crois, est le message suivant : ne pas « débrancher » les dépenses et aides avec la sortie du confinement, au contraire les amplifier, non seulement pour répondre à la pandémie, mais aussi pour sortir de la crise en s’engageant sur un nouveau chemin. C’est l’idée importante qu’il faut, je crois, tirer des plans annoncés par Biden. On avait déjà le plan Trump de soutien à l’économie (3 200 milliards de dollars en deux temps). Là s’ajoutent le plan Rescue (1 900 milliards de dollars), le plan pour les infrastructures et l’emploi, intitulé The American Jobs Plan (2 250 milliards de dollars), dont une partie s’étale sur 8 ans, et le plan pour les ménages, dénommé plan « familles » (1 800 milliards de dollars). Biden ajouterait donc quelque 6 000 milliards de dollars, même si une partie est sur plusieurs années. Au total, plus de 9 000 milliards de dollars, c’est quand même quasiment la moitié du PIB des États-Unis. Ajoutons que cela est financé par de la création monétaire : plus exactement des avances monétaires à l’État, venant financer son déficit, en s’attendant à ce que ces avances permettent de produire les richesses qui permettront de résorber ces avances monétaires. Déjà, avant l’arrivée de Biden au pouvoir, le bilan de la Fed était monté à 100 % du PIB américain, alors que celui de la BCE n’en était qu’à 60 % du PIB de la zone euro. Mais, de toute façon, le privilège du dollar — monnaie commune mondiale de domination — permet aux États-Unis d’assurer le financement de tout cela par pompage sur le reste du monde ! On va y revenir.

C’est, en termes de dépense publique, le contraire de ce qui est préconisé en Europe, et tout particulièrement en France où (a) notre gouvernement annonce qu’il est en train de travailler à la sortie du « quoiqu’il en coûte » et de débrancher les aides – même si c’est progressivement – et où (b) la doctrine affirmée est de limiter très fortement les nouvelles dépenses publiques pour les années à venir. Ainsi, le conseil des ministres a annoncé une trajectoire d’à peine +0,7 % de croissance annuelle des dépenses publiques (hors inflation) pour les 5 années à venir « pour assurer la soutenabilité de la dette publique dans la durée ». Et cela va venir dans la campagne. Et il veut charger la Cour des comptes de serrer la vis, avec des pouvoirs technocratiques nouveaux, en prétendant que c’est une pure question technique. On retire ainsi du pouvoir politique, même limité, au Parlement, mais aussi on sort ces questions du champ politique lui-même. La politique économique ne serait plus qu’une discussion pour se répartir la pénurie, l’austérité budgétaire. C’est un pas de plus vers une forme d’« illibéralisme » au nom de principes ultra-libéraux ! Tout en parlant « d’État fort », mais fort pour le capital. La dépolitisation de l’économie est au cœur de leur projet… et ceci, depuis au moins Maastricht et la prétendue indépendance des banques centrales.

Mais en réalité comme on va le voir, cette vision est une sorte d’adaptation « réaliste » au pari de Biden : le plan Biden va tendre énormément les choses du point de vue de la rivalité mondiale sur les capitaux et de l’hégémonie technologique – si les gouvernements européens ne changent pas leur façon de faire – donc, comme elle ne veut pas changer sur le fond, l’Union européenne vise plutôt à faire profil bas, et simplement à suivre, dans la mesure du possible, la locomotive US sans engager une impulsion de grande ampleur.

Quelques commentaires sur Biden

Premier commentaire. L’idée fortement avancée est de s’engager sur un chemin différent et pas seulement « soutenir l’économie », dans le contexte bien sûr d’une forte rivalité stratégique avec la Chine. C’est au cœur du plan pour les infrastructures et l’emploi. Il s’appelle d’ailleurs « The American Jobs Plan ». Il comprend un volet social. Et le discours met fortement en avant les services publics (santé et éducation, surtout), les infrastructures publiques et la réponse au défi climatique. Mais c’est très ambivalent, car ce qui est mis en avant c’est « l’investissement », avec l’idée que l’emploi viendra mécaniquement. Or, c’est rarement le cas dans le capitalisme ! Ceci, même si aux États-Unis il en va un peu différemment (car leur masse et une plus forte autonomie conduit à plus d’effets sur l’emploi), et même si le discours sur l’emploi et les salaires – ainsi que sur les syndicats – est différent côté Biden. Il n’en reste pas moins qu’il faut une action volontaire sur l’emploi s’opposant aux orientations que cherche toujours à imposer le capital et ses institutions (marchés financiers, conseils d’administrations, banques, etc.), sinon l’investissement ira contre l’emploi, ou remplacera des emplois.

Pour comprendre comment l’investissement peut aller contre l’emploi et contre l’efficacité même, prenons l’exemple du transport ferroviaire. Acheter des locomotives sans embaucher des conducteurs de trains, cela ne marche pas, sauf à intensifier encore le travail des conducteurs existants. En outre, il faudrait aussi développer pas mal d’emplois dans l’organisation du fret, le tri, ou les applications informatiques. Certes, comme on est aux États-Unis, il y aura un peu d’emplois induits mécaniquement, car leur avance informationnelle joue en ce sens.

Il faut donc conditionner l’investissement à des embauches, à un développement de l’emploi et des qualifications. C’est tout autre chose que de prendre en charge l’emploi ou les salaires à la place des entreprises (cette dernière façon de faire étant une autre face de la politique de baisse du coût du travail). C’est cela lutter contre la tendance aveugle du marché, les fameuses « eaux glacées du calcul égoïste ».

Mais, même aux États-Unis, sera-ce la vague d’emplois nécessaire ? Pour cela, il faut non seulement « changer de paradigme » dans les discours (la formule est de Biden), dans les idées, mais aussi dans les décisions, les incitations, la conception même de l’investissement et de la gestion. Sans compter qu’il faut aussi changer sur la conception de l’emploi – avec sa sécurisation – et l’effort de formation à conduire. Augmenter les salaires est important, mais cela ne suffira pas du tout[1]. C’est en tout cas un défi majeur posé à Biden : pour faire vraiment de l’emploi, et de l’emploi efficace, il ne peut pas venir « mécaniquement », il faut une action volontaire, précise, qui s’oppose à la logique du capital, de l’investissement matériel et de l’accumulation.

Deuxième commentaire. Les plans mis au point par l’administration américaine ont une certaine consistance. Par exemple, pour les vaccins, Biden ne finance pas seulement des achats de vaccins, mais le plan comprend un volet pour la production (16 milliards de dollars), un volet sur les tests, traçage, séquençage (50 milliards de dollars !), un volet sur le service public de santé (19 milliards de dollars), dont les personnels, et un volet sur le remboursement des soins (25 milliards de dollars).

Troisième commentaire. Il y a une énorme attente sur le social et l’égalité. Et quand on y répond, cela « avale » en quelque sorte le discours identitaire, populo-conservateur. Surtout quand on fait (ou en tout cas qu’on annonce) du social très large et massif, car il touche aussi bien les couches moyennes, que les plus précaires en proie au racisme.

Quatrième commentaire. La remontée des « classes moyennes ». L’insistance est mise, dans le débat américain, sur les salariés des services publics, soignants et enseignants, leurs salaires et conditions de travail, mais en traitant en même temps des précaires et des ouvriers. Et surtout, Biden, sous pression à la fois de sa gauche et de la société américaine, insiste sur la différence entre revenus du capital, qui doivent être frappés, et revenus du travail qui ont une tout autre légitimité. C’est autre chose que l’opposition riches/pauvres. C’est-à-dire que monte une perspective salariale commune, de sécurité et de progrès dans la sécurité de revenu et d’emploi. Du moins comme perspective de société et comme discours. C’est important de voir cela, par rapport à notre projet de sécurité d’emploi ou de formation.

Mais il faut souligner aussi la remontée de l’identification culturelle : capital versus travail, plutôt que riches pauvres. Par exemple sur les impôts. C’est très important. Il va nous falloir saisir cela (en France, il n’y a pas si longtemps qu’il était populaire de fustiger ceux qui s’enrichissent en dormant, par opposition à ceux qui s’enrichissent en travaillant).

Cinquième commentaire, l’argent. Bien sûr, le problème va porter d’une part sur le financement – la provenance de l’argent – d’autre part sur l’utilisation de l’argent. Concernant la provenance, on l’a dit, dans un premier temps c’est par déficit budgétaire, financé par des avances en création monétaire, dans un second temps une fiscalité qui pourrait être revue (mais là on est plutôt sur des projets…) et une base d’impôts qui va s’accroître par la croissance de l’activité, et des revenus salariaux notamment.

Concernant l’utilisation, la dépense, la question est, comme on l’a dit : investissement versus développement de l’emploi. L’investissement est nécessaire, mais il ne doit qu’accompagner et servir l’emploi, dans les entreprises et encore plus dans les services publics de type santé ou éducation. Or pour cela, il va falloir soumettre l’investissement à des objectifs d’emploi, et de formation. C’est une confrontation de classe sur laquelle, il va falloir observer le débat dans la gauche américaine, au-delà du débat sur le salaire minimal, même s’il y a un lien. Sans parler des investissements financiers qui peuvent évincer l’investissement matériel, en développant les multinationales par création ou rachat de filiales à l’étranger.

L’argent des multinationales. Il va falloir suivre pour voir comment le débat évolue. En positif, il y a le fait que la maîtrise des multinationales devient un enjeu assumé comme commun, nécessitant une coopération (pour mémoire nous avions avancé, à la rencontre de février 2020, l’idée de  « révolutionner la mondialisation », l’idée d’un service public mondial de maîtrise de l’action des multinationales, coordonnant les services publics nationaux, au niveau de l’ONU). En positif, encore, l’idée d’un taux minimal d’imposition, à un niveau assez élevé. Mais, il faut bien voir dans le même temps que l’idée est de ne parler des multinationales qu’en termes de répartition de leur bénéfices déclarés : alors que (1) c’est leur action, leur production qui est contestée (donc leur gestion, leur investissement, leurs recherches, etc.), et qui est de plus en plus contestée, (2) on ne parle pas salaires, emploi dans les multinationales, (3) on prend les profits comme une donnée, alors qu’ils sont une résultante de tout le système de tuyaux pour pomper la VA et les richesses créées par les travailleurs, faisant apparaître les profits et la VA là où le préfère le capital, en prétendant mesurer des « vrais » coûts. Ce pompage est réalisé par les prix de transferts et les royalties sur les brevets. (4) Mais aussi les paradis fiscaux et le rôle des banques sont passés à la trappe. Utilisons ce nouveau discours américain pour aller de l’avant, pas pour nous s’en tenir là, en disant bravo, et donc laisser quittes les multinationales de ce qu’elles font, ce qui risquerait de laisser la contestation aux gauchistes ou aux écologistes (par exemple sur Monsanto).

Encore une fois, insistons sur une chose : le financement de ces plans US se fera essentiellement en pompant sur le reste du monde et à son détriment, malgré les miettes qu’il en tirera, notamment, en exportant aux États-Unis, surtout l’Allemagne… et la Chine !

Sixième commentaire, l’État. Monte l’idée qu’il faut « plus d’État ». De ce point de vue d’ailleurs, le rôle de l’administration US (fédérale) doit être souligné, son professionnalisme, comme corps formé et indépendant, doté d’une sécurité de l’emploi, au service du bien public. C’est important vis-à-vis des contre-réformes françaises actuelles de déstructuration de la fonction publique, jusqu’au projet de précarisation de la haute fonction publique et la dénaturation de l’ENA dans ce qu’elle pouvait encore avoir de positif et de formateur.

Mais la grande question est : quel État ? Un État au service du capital et de la répression ? Ou un État qui appuie les services publics et les citoyens dans leur intervention, un État démocratique pour mettre au point des plans, mais aussi pour orienter autrement l’action des entreprises, jusqu’à appuyer l’intervention des salariés ? La question se pose différemment certes aux États-Unis. Il n’en reste pas moins que la question de l’orientation de l’activité des grandes multinationales, des critères de leur fonctionnement (le profit ou le bien commun ? Mais aussi quelle efficacité autre que la productivité du travail ?) est en train de venir sur le devant de la scène. C’est une grande question de société pour le XXIe siècle. C’est une grande question politique, je crois. Enfin, un État constitué de services publics ou pas, est une question qui monte dans le débat aux États-Unis.

Veillons bien d’ailleurs à voir que, dans le débat sur l’écologie, qui a tendance à se focaliser sur les pays et les États, les multinationales jouent un rôle considérable : par exemple les États-Unis contribuent aux émissions de CO2 par l’activité directe qui se déroule sur leur territoire, mais ils contribuent aussi – sans que cela leur soit imputé – par l’activité à l’étranger de « leurs » multinationales et par l’activité que leurs importations induisent. Cela compte pas mal dans les émissions chinoises, par exemple…

Avant-dernier commentaire. Est-ce que cela va être les États-Unis contre le reste du monde ? Oui, effectivement, d’où d’ailleurs les hésitations européennes à imiter cela. Mais Biden va l’envelopper, comme d’ailleurs ont toujours su mieux le faire les administrations démocrates que républicaines. D’une part on assiste au retour des États-Unis dans les institutions multilatérales, mais d’autre part, outre qu’ils utilisent ces institutions comme un levier pour leurs intérêts, les différents plans tels qu’ils sont conçus et avec le rôle du dollar, vont pousser à une rivalité gigantesque sur les capitaux. D’où l’enjeu européen : est-ce attirer les capitaux existants en quête de rendement (en entrant donc dans un bras de fer très dangereux avec les États-Unis) ? ou est-ce activer une création monétaire massive pour les années à venir, orientée sur le développement de l’emploi efficace dans les pays d’Europe et des services publics ?

En tout cas, il y a une aspiration à un monde coopératif, saisie par les États-Unis qui semblent avoir compris qu’ils ont commis l’erreur de laisser cet espace à la Chine (cette dernière étant bien sûr loin d’avoir dit son dernier mot). Elle se double d’une aspiration à un leadership mondial, notamment de la part de pays européens ou du Sud, saisie aussi par les États-Unis aussi.

C’est dire si l’enjeu d’un nouvel ordre international est très important. Il va monter. Il nécessite de nouvelles institutions internationales et de nouvelles règles communes, tout particulièrement en matière économique :

  • on le voit sur les brevets, qui sont dans le champ de l’OMC et des traités d’investissements internationaux du type TAFTA,
  • on le voit pour le besoin d’une monnaie mondiale commune de coopération, permettant des avances monétaires qui ne soient pas dans les mains du dollar, cela met en cause le couple dollar-FMI (il est discuté au FMI une création monétaire de DTS de 650 milliards de dollars, soit presque 3 fois ce qui a été fait en 2008-2009 ! dont l’essentiel ira aux États-Unis et aux pays capitalistes développés),
  • mais cela pose aussi la question de règles sur les multinationales,
  • sans parler d’un renforcement du rôle de l’OMS et de coordinations mondiales de différents services publics.

Tout cela sous l’égide de l’ONU, où les principes de fonctionnement sont quand même plus démocratiques malgré le rôle du Conseil de sécurité, alors que l’OMC comme le FMI en sont complètement indépendants. Or la puissance dominatrice, et impérialiste, voire néo-coloniale des États-Unis repose sur quatre choses : le dollar, la technologie, les multinationales et les règles internationales de circulation de l’argent des multinationales ou des banques.

De ce point de vue, le retour d’un déficit commercial record des exportations de marchandises US (notamment avec la Chine) montre que tout se poursuit : rapatriement (renforcé) des profits aux US, entrée de recettes de royalties et services, accueil de capitaux (investissements de portefeuille) pour financer les importations nettes de marchandises, des investissements directs de contrôle à l’étranger et, en solde, les dépenses informationnelles intérieures ou de services publics. Tout cela soutient et renforce le dollar contre tous les autres pays et leur développement.

Un mot du plus sur le FMI et la création monétaire. On a dit que l’UE hésite à amplifier encore sa création monétaire. C’est probablement, outre une idéologie très conservatrice et malthusienne, parce que pour que cela marche en UE elle devrait affronter un enjeu de classe qu’elle ne veut pas du tout affronter, et encore moins dans notre sens. Mais, du point de vue des moyens à sa disposition, du poids économique, l’UE le pourrait. En revanche, pour les pays du Sud et même, dans une certaine mesure pour les émergents, sauf la Chine, il est très difficile d’utiliser l’arme monétaire massive. Car les dévaluation et fuites de capitaux sont au rendez-vous, ainsi que l’inflation. C’est d’ailleurs ce que l’on observe. Or, pour ces pays, peut-être encore plus que pour nous, mettre en œuvre des avances massives pour sortir des difficultés, et avant d’en être sorti, est décisif. Cela renforce d’autant plus l’enjeu d’un outil de création monétaire mondiale « orientée » sur un investissement en faveur de l’emploi et de la création de richesse, en faveur des services publics (de santé, en particulier). C’est à dire le combat face au dollar pour une monnaie commune mondiale, et pour une réforme très profonde du FMI. C’est un enjeu pour l’ensemble de l’humanité, afin de faire face vraiment à la pandémie, car la très grande majorité de l’humanité y vit.

La conjoncture va imposer cette question qu’il nous faut traiter dans le débat politique français, immédiat comme celui de la présidentielle.

Dernier commentaire, la relation Chine-États-Unis. Cette question mériterait un rapport tout entier. Dans les limites présentes, je veux attirer l’attention sur l’existence de ce défi, fondamental, et sur la façon dont Biden utilise la Chine pour appeler le reste du monde, au moins « occidental », à une véritable croisade sur les valeurs de démocratie. Cela permet d’intégrer une partie des opinions en Europe, notamment, à la vision étatsunienne, avec une fausse alternative entre démocratie et État autoritaire, qui met de côté les questions économiques comme n’étant pas politiques, et l’entreprise comme n’étant pas dans le champ de la démocratie. Il nous appartient de prendre cela très au sérieux. Et ceci dans son double aspect, pour un dépassement des deux : contrer cette vision étatsunienne, mais aussi faire monter l’exigence, pour nous, d’une tout autre démocratie que celle de la Chine.

Cela ne doit pas nous empêcher de chercher les rassemblements de tout le mouvement communiste, au-delà de ses différences nationales importantes, pour mener le combat commun face au capital financier international pour une tout autre démocratie mondiale. En particulier, pour une monnaie commune mondiale de coopération, autre que le dollar des États-Unis, et pour une refonte des organisations internationales OMC, FMI, sous l’égide de l’ONU, ainsi que pour d’autres traités d’investissement internationaux.

Dans ce domaine, les États-Unis impulsent un combat où, au nom de « valeurs » sociétales, anthroponomiques, voire de civilisation, ils mènent leur croisade sur le terrain de l’économie et de la technologie. Ils veulent emmener l’UE pour contrer le traité économique international de nature plus coopérative que la Chine a réussi à signer avec de très nombreux pays d’Asie, dont le Japon, et d’Océanie [2]. Il s’agit de récuser cette « guerre des civilisations », et de rechercher un monde coopératif, de maîtrise des relations économiques internationales et des multinationales. Mais aussi de porter le défi de recherche d’une civilisation commune à toute l’humanité, au lieu d’une alternative entre valeurs occidentales de « liberté » jusqu’au libéralisme et à ses égoïsmes, et valeurs orientales d’égalité, jusqu’à une vision fusionnelle sous une même autorité hiérarchique. Ceci peut-être à partir d’un approfondissement de la conjugaison entre les valeurs du triptyque liberté-égalité-fraternité et en montant l’enjeu culturel et démocratique profond d’une tout autre utilisation de l’argent.

Nous avançons l’idée de traités de maîtrise du commerce et des investissements internationaux pour développer l’emploi et les biens communs (santé, environnement) des différents partenaires impliqués. C’est à l’opposé du comportement actuel de l’UE, enrôlée dans une ligne américaine à la Biden : suspendre la ratification du traité UE-Chine, au nom du « contexte politique » habillé de considérations sur le droit du travail. Mais ces dernières sont imprégnées de l’idéologie de la « concurrence libre et non faussée », puisqu’en outre les « subventions publiques » sont au cœur de la controverse. Tout autre serait une approche qui soumet commerce, investissement et concurrence au développement commun de l’emploi et des biens communs, où l’intervention publique serait autorisée, voire favorisée, dans la mesure où elle permettrait ce développement. Et dans le même temps, il s’agit de promouvoir les libertés effectives, y compris face aux GAFAM (droit d’intervention, liberté d’expression, droit d’alerte, service public de la donnée, logiciels ouverts, etc.). Notons que cette façon de faire fait écho à l’approche du plan européen pour « conditionner les aides à l’État de droit » (contre les PECO), plutôt que pour mettre des critères emploi, CO2, etc. et pour entrer en même temps dans une bataille sur les libertés démocratiques, y compris dans l’entreprise. Cette dimension culturelle, et même anthroponomique, du combat ne doit pas être sous-estimée, ni non plus les pressions progressistes aux États-Unis mêmes qui peuvent nous faire partager certains aspects du combat au lieu d’un rejet en bloc.

Mouvement des idées, Pour l’instant, aux États-Unis, pragmatiques s’il en est, on a une montée de pensée économique hétérodoxe, mais qui est plutôt dans le « on verra », difficile de parler de théorie cohérente : (a) « nouvelle théorie monétaire » : « créer une énorme masse de monnaie, il en ira bien au développement sain ». (b) Augmenter les salaires et diminuer le turnover des emplois (voire distribuer du revenu directement aux ménages), cela coûtera, mais il en restera bien quelque chose en faveur de l’efficacité et de la consommation d’une production intérieure. (c ) Une interrogation se fait jour : qu’est-ce que le capital et quel rôle jouent les inégalités ? Ils s’interrogent car ils ne sont pas foncièrement contre « les riches », ni contre les inégalités. Mais ils sont contre la perpétuation des mêmes riches et des inégalités, avec des évolutions sociales très bloquées, ainsi que sur le rôle contradictoire des inégalités : à la fois « stimulant » l’effort, l’innovation etc. mais pouvant avoir un effet systémique délétère, dont on voit la « contamination » possible à toute la société, avec la violence ou la pandémie. Pour nous, marxistes, le capital ce n’est pas la richesse (la richesse ce sont des valeurs d’usage…), ce n’est pas non plus la richesse monétaire,  l’argent en soi. C’est la façon d’utiliser l’argent ou les richesses monétaires : c’est une valeur (richesse monétaire, équipement, maison, titre financier…) utilisée pour faire plus de valeur, du profit, le fameux K qui cherche son K + ΔK de Marx, dans Le Capital.

Bref, préconisations macro, sans pouvoirs précis sur les entreprises, et sans critères d’orientation alternatifs au taux de profit. Pas vraiment une théorie alternative.

Ces mesures peuvent avoir un certain effet aux États-Unis, mais un effet, d’une part, limité car se heurtant à des contradictions face au capital. D’autre part, ce n’est pas réplicable pour un pays comme le nôtre, voire pour l’Europe, car nous n’avons ni le dollar, ni la masse productive et financière des États-Unis. Nous sommes donc nécessairement obligés, en quelque sorte de venir directement sur les enjeux radicaux de pouvoirs, de critères, portant sur les entreprises et sur les banques.

Mais si cela marche un peu aux États-Unis, cela peut donner une impression de validation à ces doctrines et donc valider les approches social-libérales chez nous : intervention étatique massive pour mettre des quantités d’argent à disposition, mais pas d’action sur les entreprises pour changer leur façon de faire et s’attaquer à leurs critères de gestion – ceux de la rentabilité. C’est précisément, d’ailleurs, l’objet d’une tribune de Patrick Artus dans Les Echos qui insiste. En substance dit-il « c’est toujours le libéralisme, puisque l’État intervient, certes, mais de façon ‘libérale’ sans mettre en cause les décisions des entreprises et ce qui les guide. En les laissant libres ». 

Sur Biden, le discours que nous pourrions mettre en avant, pourrait donc être : on voit bien qu’il faut mettre beaucoup de moyens financiers, et pas seulement pour soutenir l’activité, mais aussi pour s’engager sur un autre chemin. La première question est : est-ce que Biden va vraiment s’engager sur un autre chemin ? Pour nous, cet autre chemin est d’une part de s’appuyer sur l’emploi, le travail dans toutes ses dimension, son efficacité créative à tous les niveaux, l’investissement venant en second et pour appuyer, accompagner l’emploi, au contraire de ce qui a été fait. D’autre part, c’est d’engager une véritable transformation productive écologique, à la fois verte, sociale et coopérative. Bref tout le contraire de la rentabilité financière. Deuxièmement, est-ce que Biden va le faire sans écraser les autres pays ? On en doute, car, malgré son retour dans les organismes multilatéraux, ces différents plans vont exacerber les rivalités et tensions économiques internationales sur les capitaux et sur l’épargne, et en particulier pousser à rejeter les autres dans la déflation parce qu’on va pomper sur eux une partie des richesses et parce que s’exerce le monopole de la monnaie commune mondiale. La troisième question est : va-t-il vraiment le faire et avoir les moyens ? Ou va-t-il être conduit par le grand capital US, et les multinationales, à un échec, ou un semi-échec ? Et c’est la question de la cohérence entre objectifs, moyens et pouvoirs (notamment sur les entreprises) qui lui est posée à lui, comme à nous en Europe et en France (comme aussi, soit dit en passant, en Chine…). Une cohérence réactionnaire qui est donnée, aujourd’hui par la rentabilité financière et à laquelle il faut donner de tout autres guides.

Donc, la grille de lecture n’est pas, comme l’écrit un hétérodoxe américain (Dani Rodrick), que « le plan Biden pourrait marquer la fin de l’ère néolibérale fondée sur l’idée que la régulation de l’économie par le seul marché est ce qu’il y a de plus efficace » (comme le croient d’ailleurs beaucoup de gauchistes et de sociaux-démocrates), comme si État et marché s’opposaient nécessairement. C’est plutôt « quel État ? » : est-ce que cela va être l’État au service du marché et de ses critères, la rentabilité, ou l’État pour appuyer une bataille contre la domination de la rentabilité partout et pour une autre logique démocratique et économique ?

Ces contradictions sont bien visibles dans les évolutions de la productivité aux États-Unis : croissance de la productivité horaire du travail vivant, y compris en 2020 (+2,5 %), mais amplification du recul de la productivité apparente (ou efficacité) du capital (de -0,6 % par an à -6,4 % en 2020) et donc diminution de 1,7 % de l’indicateur de productivité globale (construit trimestriellement par le Bureau of Labor Statistics). Sans parler du stock de capital financier, non pris en compte dans ces statistiques, dont la valeur s’envole et qui pèse aussi bien sur la productivité que sur les dépenses.

Derrière cela, il y a l’idée que le capital, c’est un stock qu’il faut avant tout conserver, ne pas jeter. Alors que les travailleurs, on peut s’en séparer et les laisser prendre en charge à bas coût par l’État. Alors qu’il faudrait au contraire considérer les capacités des travailleuses et travailleurs comme une ressource à entretenir et à développer, en assumant des excès apparents qui permettent de la mobiliser lorsque les besoins se manifestent, des ressources stratégiques permanentes. Cela renvoie au besoin de sécurité d’emploi ou de formation.

Mais il faut bien voir que Biden réveille, en quelque sorte, la gauche mondiale, au moins dans les pays occidentaux. Cela fait peur à une partie des idéologues en France qui dénoncent le danger de surchauffe aux États-Unis, ou même dans le monde à cause des États-Unis. Ils insistent pour en rester à la mobilisation de l’épargne, y compris aux États-Unis, contre la création monétaire massive, antienne traditionnelle du capital et du malthusianisme (article d’Arnaud Leparmentier dans Le Monde daté du 6 mai).

Une question autour de la réussite du défi Biden est aussi celle de moyens coopératifs et d’une certaine planification. Coordination, coopération, pour nous cela pose indissociablement la question nationale, la question internationale mais aussi la question européenne.

Enfin, un contrefeu idéologique monte, en France, sur les États-Unis. Ils ne seraient que dans un processus de rattrapage du modèle social européen. Chaque pays devrait faire mouvement vers le modèle de l’autre. Eux développent les services publics et la protection sociale, parce qu’ils sont en retard ? Nous, en Europe, nous devrions au contraire développer l’investissement privé, les marchés financiers et l’épargne.

Au contraire, nous avons un retard sur les services publics. La crise sanitaire l’a mis en lumière. Celui sur les technologies et les entreprises s’y ajoute. Il s’agit donc de changer vraiment de paradigme : en rompant avec l’austérité durablement, et en développant l’emploi, les capacités humaines, comme un levier, l’investissement devant être soumis à l’emploi et non l’inverse. Donc SEF et anti-austérité sont les défis français, mais aussi européens. Voilà un grand projet ! En lien avec les révolutions des forces productives qui poussent : informationnelle, écologique, monétaire, démographique.

Pour l’UE, il ne s’agit surtout pas d’entrer dans une concurrence vers le bas, vers le dumping social avec les États-Unis, au contraire il s’agit de tirer le coopératif sur l’emploi, les services publics, les technologies : coopération, coordination, services publics, emploi comme priorité et création monétaire anti-austérité – des avances pour se développer et répondre aux besoins –au lieu de chercher l’attraction des capitaux.

Europe (UE)

La question européenne est très importante. Il y a une conception de l’UE comme une collection d’États, sans coordination-coopération sauf sur le financement (BCE + marchés financiers) et sur le commerce (traités type TAFTA et achats des vaccins). Elle va de pair avec une conception fédéraliste où la technocratie européenne est en surplomb, avec une doctrine qui n’a pas bougé : garante des intérêts du capital et de la neutralité de marché, si on peut dire.

Une autre logique serait une logique de coopération de partages, avec un projet social de type « sécurisation de tous les moments de la vie » + développement de chaque nation et territoires, ainsi qu’une autre vision des relations avec le Sud.

Dans la conjoncture, montent des annonces de nouvelles coopérations mais ce sont, semble-t-il, des faux-semblants. D’une part c’est le renforcement du mouvement précédent de financements par les marchés financiers avec le fameux plan européen de relance 750 milliards d’euros et son emprunt obligataire commun sur les marchés financiers pour le Fonds de relance Next Generation EU. Ce sont d’autre part certaines annonces de politique industrielle, par exemple sur les semi-conducteurs, dans le cadre d’une « revue stratégique industrielle européenne » présentée le 5 mai[3], voire sur la santé, mais sans moyens réels, et avec l’idée d’une sorte de champion supranational et de spécialisation des pays, au lieu de véritables partages-développement, impliquant une montée en compétence de tous les pays.

Le dogme de l’austérité anti-salariale et anti-dépenses sociales est maintenu, comme le montrent les engagements fermes que la France a dû prendre, auprès de la Commission européenne, de fixer une règle de dépense publique sur cinq ans (!), les engagements voilés sur les retraites (réforme « nécessaire … dès que la situation sanitaire et économique le permettra »), ou son obstination à poursuivre « coûte que coûte » sur la très grave réforme de l’assurance-chômage[4].

Croissance, activité économique et prévisions

Si on regarde la croissance du PIB, après des récessions spectaculaires en 2020, on s’oriente vers des progressions en 2021. Elles vont amener un matraquage médiatique sur « la reprise », prétextant qu’on serait sorti d’affaire. Que nenni, bien sûr ![5] Notons en outre que les chiffres de croissance trimestrielle des États-Unis sont toujours présentés en « rythme annuel », c’est-à-dire multiplié par 4… Cela impressionne forcément ! Si on ramène les choses en rythme trimestriel, cela donne +1,6 % aux États-Unis au 1er trimestre 21, contre +0,4 % pour la France et une diminution pour l’Allemagne, mais entre France et Allemagne c’était l’inverse au trimestre précédent (cf. tableau en annexe). Dans l’ensemble, au-delà des différences sur certains trimestres, la France et l’Allemagne ont suivi en moyenne le même rythme de croissance (cf. graphique).

Pour l’année 2021, les États-Unis affichent une prévision de 6 % de croissance du PIB, mais l’Insee affiche +5,5 % pour la France (contre 10 à 11 % prévus dans la foulée de l’optimisme de juin 2020), +3,7 % pour l’Allemagne (mais pour la France un artefact lié à un choix statistique qui lui est spécifique amplifie la mesure de la baisse d’activité dans la fonction publique, amplifiant d’autant la remontée[6]).

En réalité, on ne va pas récupérer le niveau antérieur aussi vite. Et en outre, il y a un manque à gagner de production et donc de revenu qui n’a pas été généré en 2020 et 2021. Pour la France, ce manque à gagner de revenu global, selon les prévisions de croissance plutôt optimistes de la Banque de France de juin dernier, était déjà de 500  milliards d’euros d’ici fin 2022.

En tout cas, le niveau de PIB de mi-2019, la production globale, n’est pas encore retrouvé au premier trimestre de 2021 : 4,9 point en-dessous en Allemagne, 4,6 points en-dessous en France, 7,3 points en-dessous en Italie, 9 points en-dessous en Espagne, seulement 2,5 points en-dessous en Pologne (fin 2020) et encore 7,3 points en-dessous au Royaume-Uni (fin 2020, car le T1 de 2021 n’est pas encore disponible). Mais il est dépassé aux États-Unis de 1,9 point (cf. graphique en annexe). Rappelons que la Chine est le seul pays d’importance à avoir connu une croissance de son PIB en 2020 malgré la pandémie, se situant début 2021 7,6 % au-dessus de son niveau de fin 2019.

L’INSEE communique sur le fait que l’industrie irait bien (car sa production a recommencé à augmenter), tandis que les services (y compris commerce) se porteraient mal… uniquement à cause du confinement. La réalité est autre : l’industrie a repris sa croissance, mais le creusement du déficit commercial dès que l’économie avait rebondi à l’automne 2020 montre que l’industrie ne va pas bien, de même que les énormes absences de productions révélées durant la pandémie qui ne sont pas du tout comblées, ni même en passe de l’être. L’INSEE exprime tout de même une inquiétude sur les « problèmes d’approvisionnement dans l’industrie ». Mais ce n’est pas que la faute à « pas de chance », cela exprime précisément ce problème, qui commence à avoir en plus quelques conséquences inflationnistes sur les prix des approvisionnements. En outre, l’institut se félicite de la reprise de l’investissement (en capital) sans voir que c’est au détriment des dépenses pour les capacités humaines et sans s’en inquiéter.

Concernant les services, le recul de l’activité pourrait avoir des conséquences beaucoup plus durables que ne le laisse entendre l’Institut, avec des transformations structurelles (e-commerce, tourisme, transports) auxquelles l’économie française est fort peu préparée. En outre, il y a un lien très intime qu’il faut voir entre services et industrie, il suffit de penser à l’ingéniérie, aux logiciels, à la R&D, mais aussi à la formation et aux différents services publics. Le spectre d’un développement de l’assemblage de haut niveau en France, sous couvert d’une illusoire industrialisation doit être très sérieusement envisager. Il doit nous conduire à traiter conjointement services et industrie, comme le montre d’ailleurs l’exemple de nombreux grands groupes où le patronat les oppose parce que cela le sert (General Electric, Renault, Airbus, Nokia-Alcatel, etc.)[1].

Enfin, les exportations de capitaux ne sont pas du tout dans le champ de vision de l’analyse de la conjoncture par l’Insee. Pourtant la Balance des paiements française fait apparaître des évolutions peu rassurantes de ce côté (120 Md€ de sorties d’investissements de portefeuille et 2,8 Md€ de sorties d’IDE, pour le total des deux derniers trimestres écoulés, 2020.t4 + 2021.t1)


[1] D’après l’Insee, les services privés d’activités scientifiques et techniques et les services administratifs et de soutien pèsent autant que l’industrie

Débat de conjoncture en France

En France, le débat cherche à s’imposer sur l’idée qu’il faudrait débrancher progressivement les aides, d’une part, d’autre part sur le cantonnement de la dette avec le maintien d’une cible de stabilité des dépenses publiques et sociales et enfin une conception bancale des plans annoncés. Il est parfois complété d’un débat sur un « plan d’investissement ».

Le creusement, renforcé, du déficit commercial français ne prend aucune place dans le débat ! Alors qu’il devrait interpeller comme jamais.

Rappelons que les mesures prises jusqu’ici par le gouvernement sont au nombre de six : (1) Fonds de solidarité pour les PME-TPE, certains secteurs très affectés (hôtellerie-restauration, spectacle vivant, culture…), (2) chômage partiel, rebaptisé « activité » partielle, avec tout un lot d’accords de flexibilité, (3) prêts garantis par l’État (PGE), (4) exonérations de cotisations sociales (5) Plan Castex, financé pour une part par le plan européen, mais il y a place encore pour d’autres « plans » (6) des milliards d’aides pour de très grandes multinationales (Airbus, Air France, Renault, ..) ce dernier point étant généralement vite oublié… on comprend pourquoi !

Le front de l’emploi est faussement calme. La baisse du taux de chômage est trompeuse car la diminution du chômage correspond très largement à un découragement des recherches d’emploi : compte-tenu des perspectives nombre de personnes ne se déclarent pas en recherche d’emploi, y compris dans les enquêtes. Au total, ce sont 300.000 emplois en moins que l’on décompte déjà par rapport à fin 2019 ! Et, surtout de très nombreuses suppressions d’emploi sont dans le tuyau. Le nombre de PSE a continué d’augmenter : +33,6 % au 4ème trimestre 2020 (plans validés et/ou homologués). Il atteint son niveau le plus élevé depuis mi-2015. Mais bien sûr, de l’autre côté, les dispositifs contradictoires et refoulés de sécurisation de l’emploi et ou du revenu, explosent : plus de 2 millions de salariés ont reçu une indemnité d’activité partielle en février et en mars (qui ne maintient toutefois pas intégralement leur revenu), pour 2 semaines et demie de chômage partiel, et le dispositif de CSP (contrat de sécurisation professionnelle) voit ses entrées augmenter de 97,3 %.

Mais pour faire quoi ? La question des perspectives est majeure. Et c’est de ce point de vue que l’expérience Biden en cours doit être utilisée et mise en avant.

De l’autre côté les faillites de TPE, artisans, commerçants, commencent à frémir à la hausse, les liquidations fermes deviennent la règle au Tribunal de commerce, et le patronat alerte sur le « mur de la dette ». Les CODEFI (comité départementaux de financement, autour du préfet) commencent à être activés.

Toutes les inégalités s’élargissent. Des fractures progressent au sein du monde du travail. Mais il faut insister sur la différence finance/travail. L’INSEE lui-même désigne dans sa note de conjoncture que la croissance de l’épargne a été essentiellement le fait des « hauts patrimoines financiers » : à peine quelques 300 euros pour les 25 % de revenus les plus bas (surtout dans les livrets A, et ce qui ne fait pas le poids face à une perspective de chômage possible) contre +10 000 euros en moyenne pour les 25 % de revenus les plus élevés. Dans le même, explique l’Institut, ce sont les plus riches qui ont le plus diminué leur dépense monétaire de consommation, celle des plus pauvres étant déjà très contrainte. Au total, la baisse du revenu disponible par tête, après transferts sociaux, est historique depuis que ces séries existent (1948) !

Concernant la dette (1) c’est un débat mis en avant pour masquer l’austérité anti-emploi déjà à l’œuvre dans les dépenses publiques présentes et pour affoler sur l’austérité à venir, préparer les esprits. Se jeter sur la dette pour mettre en priorité en avant son annulation n’est donc pas la bonne position. Il en faudra plus, utilisée autrement ce qui n’empêche pas une restructuration de la dette passée (surtout celle précédant la COVID, sur laquelle l’État verse presque 40 milliards d’euros d’intérêts par an). La réponse à la situation c’est : des avances monétaires avant que les recherches, les formations, les investissements, n’aient donné de la production suffisante pour avaler cette dette. Cela veut donc dire plus de dette. C’est pourquoi brandir l’annulation, outre de ne pas affronter la question de l’austérité anti-emploi et formation actuelle (malgré l’augmentation de la dette) pose deux autres problèmes : cela dénigre l’idée même d’endettement et cela rend difficile de trouver des financeurs ultérieurs pour continuer à s’endetter, à faire même « rouler » la dette. Il faudrait plus de dette, pendant un certain temps, autrement (pas par les marchés financiers) et utilisée différemment. Ce qui oblige à rentrer dans le « dur du dur » des questions de classe. Cela veut dire aussi récuser les positions « négationnistes » qui prétendent que la dette ne compterait pas. Elle compte. Mais pas parce qu’elle est « élevée ». Parce qu’elle est financée par les marchés financiers, que la BCE vient gonfler en leur promettant de la leur racheter[7], et parce cette dette n’est pas utilisée où il faut, pour les bonnes dépenses. Elle prépare une croissance insuffisante pour supporter la dette, et une croissance empoisonnée socialement et écologiquement.

D’où notre proposition : un Fonds pour l’emploi, la formation et la transformation productive, financé par la création monétaire, en France des banques publiques, via la BCE, et au niveau européen aussi.

Dans un premier temps, le Fonds National pourrait très bien être abondé par la Caisse des dépôts, la BPI, la Banque postale (sans même attendre des nationalisations bancaires, pourtant nécessaires), ces dernières se tourneraient auprès de la BCE pour être refinancées à 0 %, voire à taux négatif. Le Fonds serait géré démocratiquement, avec une possibilité de saisine par le terrain et les acteurs sociaux, à l’appui de projets consistants. Les titres de dette ne circuleraient pas sur les marchés financiers. Le taux d’intérêt serait très abaissé, y compris négatif (= subvention), il serait d’autant plus abaissé que seraient développés des emplois, de la VA et économisées les émissions de CO2. C’est dire s’il fonctionnerait avec des critères transparents, mais pas de façon technocratique.

Ces Fonds posent la question de leur articulation aux « plans » élaborés par les États européens.

Ces plans cherchent à combler le grave défaut d’articulation court-terme/long terme, tout en restant prisonniers des dogmes de l’austérité et de la baisse du coût du travail. Ils sont essentiellement orientés par secteur : on va choisir par exemple l’aéronautique, uniquement parce que c’est un secteur stratégique, mais sans aucun critère. L’aspect écologique est implicite, et on accompagne plus de 10.000 suppressions d’emploi dans le secteur, des emplois probablement très qualifiés pour nombre d’entre eux.

Ainsi, le chômage-activité partiel témoigne d’un mûrissement sans précédent du monde en faveur de la sécurisation de l’emploi et de l’importance décisive des compétences, comme j’ai pu le dire dans mon rapport au CN de septembre. Mais il fonctionne de plus en plus comme un énorme dispositif de baisse du coût du travail et de prise en charge des dépenses salariales par l’État, à la place du patronat, voire de flexibilisation, car il est non lié à des engagements des entreprises en matière d’investissements, de formation et de projets de développement productifs nouveaux industriels et de services.

La conjoncture elle-même montre donc qu’il faut partout imposer des critères précis et leur suivi. Cela exige en outre de ne pas être dans la main des marchés financiers. C’est d’autant plus la conjoncture qui l’exige que, sinon, les pressions inflationnistes et surtout, les rivalités sur les financements vont se renforcer et mettre en cause la reprise économique, le financement possible des dépenses publiques, que ce soit celles de soutien aux ménages et à leur revenu, celle de soutien aux services publics de santé, ou à la filière industrielle médicale (yc R&D), donc la lutte contre l’épidémie. Sans parler du Sud.

De ce point de vue, il nous faut aussi contester le « Fonds européen » Next Generation EU progressivement mis en place par l’accord de l’été dernier : le contester et nous en saisir. Ils créent un Fonds européen, mais dans les mains des marchés et qui ne finance pas selon des critères sociaux et écologique. Il finance des cibles sectorielles présumées avoir des effets écologiques (vaguement sociaux) et ses seules conditionnalités sont supra-nationales, portant sur le respect de « l’État de droit ». En outre, il fonctionne de façon technocratique, l’argent est accordé, semble-t-il, une fois pour toutes sans évaluer le respect de cibles socio-écologiques[8].

Pour faire simple la question est :

  • des Fonds pour des plans sectoriels, pour l’investissement sans mettre en leur centre le levier d’emploi, et financés par les marchés, en laissant la liberté de suivi et d’utilisation au patronat, donc pour le capital…

… ou bien

  • des Fonds à partir de plans élaborés démocratiquement, ciblés pour les services publics et dans les entreprises : appuyant les dépenses d’investissement si elles développent l’emploi et les économies de rejet de CO2, donc avec des critères précis, et en les appuyant d’autant plus que ces critères sont respectés, critères que l’on peut suivre, et plans financés par création monétaire.

Voyons bien que, dans le débat de conjoncture, les idées de faire autrement sur l’emploi, la formation, les idées de sécurisation, voire de « conditionnalisation » montent très fort, sans toutefois pointer que l’on doit s’opposer à la logique du capital et ouvrir à entrer dans une tout autre relation avec les (grandes) entreprises. Ainsi Xavier Ragot (président de l’OFCE) : « il faudra bien réfléchir à de nouvelles initiatives pour investir [!] dans les infrastructures et dans l’éducation », ou encore P. Artus « le premier domaine où l’État devrait investir [!] pour améliorer le potentiel de croissance de l’économie, c’est l’éducation, la formation et la recherche, ce qui manque au plan de relance actuel ». Sans voir le caractère contradictoire avec ce que font les entreprises ! Mais Philippe Martin (économiste à Sciences Po et directeur du Conseil d’Analyse économique auprès du Premier ministre) reste prisonnier du dogme de l’épargne : la question est pour lui de savoir « si l’épargne accumulée pendant la crise sera dépensée au moins en partie », exit les entreprises et leur gestion, exit la création monétaire massive et son orientation.

Enfin, du point de vue financier, les nuages s’amoncèlent :

  • Envolée des bourses. Les records sont battus. Les Bourses s’enflamment. Leur capitalisation atteint près de 140 % du PIB mondial, un record, après les 110 % du PIB de fin 2019, de 2008 ou de 2001. Le fameux économiste Nouriel Roubini alerte en ce sens. Mais c’est bien autre chose qu’une « bulle » financière. Plutôt un véritable « cancer financier » qui se diffuse dans l’ensemble du corps. Quand la Bourse s’envole (alimentée par les liquidités des banques centrales et par la préservation des trésoreries des grands groupes), cela a un effet « réel » : la valeur du capital d’une entreprise donnée est alors plus élevée, cela signifie que pour atteindre un même taux de rendement de ce capital investi dans une entreprise (mettons 10 %), il lui faut prélever plus en montant sur une même production… plus, contre les salaires et les dépenses sociales !
  • Sorties de capitaux, sous forme d’exportations vers les États-Unis, de nature spéculative mais aussi pour des délocalisations, et surtout, pour l’instant, des rachats, fusions-acquisitions, y compris vers le Sud. Les 4 premiers mois de 2021 enregistrent un record historique de rachats d’entreprises (1 770 milliards de dollars de deals). Cela concerne essentiellement la Chine, le Japon et les États-Unis. En Europe, on observe surtout des rachats spectaculaires, chinois ou US[9]. Les interventions des États, qui portent à présent sur 60 % des opérations, n’évitent rien, car elles sont conçues en termes de digue et non pas d’alternatives. Ceci sans compter d’ailleurs les délocalisations filées, par déménagement d’activité sans IDE, comme ce que réalise General Electric. Notons que pour la première fois, en 2020, les entrées d’IDE en Chine ont été supérieures aux entrées d’IDE aux États-Unis.

Conclusion

Pour conclure, quelques mots sur les perspectives.

A court terme, la sortie du confinement peut donc signifier à nouveau un rebond transitoire, mais surtout une seconde lame très forte de récession et de difficultés.

Nous ne serons pas dans « la reconstruction », ni dans le « qui doit payer la crise ? », mais dans un nouveau temps de crise, à laquelle il faut faire face pour en sortir ! D’où l’importance de nos batailles pour des conférences régionales et nationales sur production, emploi et utilisation de l’argent, et – surtout – de la bataille contre l’austérité pour une mise massive de fonds, avec des critères précis (emploi, valeur ajoutée, économie de CO2) au lieu de critères sectoriels (tel secteur doit être appuyé, etc.).

Attention, tirons les expériences de la gauche plurielle, comme de la déconfiture de François Hollande avec le CICE. Voyons bien les différentes facettes de la facilité et du renoncement sur lesquelles toutes les solutions simplistes s’appuient, depuis le revenu d’existence, jusqu’à « territoire zéro chômeurs », ou « un État fort », ou encore la réindustrialisation d’assemblage contre la R&D et les services. A chaque fois, c’est au nom de l’emploi : les emplois se créeraient automatiquement, sans changer le type d’investissement !

Il ne faut pas non plus faire « à côté » des banques et des entreprises, mais en levier sur elles, engager un bras de fer politique avec elles, sur leurs critères de gestion qui guident leur politique d’investissement, en utilisant l’appui de la bataille politique et de ce que nous pouvons conquérir dans les institutions. D’où l’importance de notre bataille pour des Fonds régionaux en levier sur les banques, et non pas des banques régionales, en conjonction avec notre bataille pour des Conférences régionales permanentes.

Il ne s’agit surtout pas de financer l’emploi et les salaires à la place du patronat et du capital. Il s’agit d’obliger à un nouveau type de développement basé sur l’emploi, donc de conditionner toutes les dépenses de développement (investissements, recherches, …) au développement de l’emploi et d’une VA efficace, écologique.

De même que Biden tente des choses, le discours macronien en France devient plus « enveloppant ». B. Lemaire déclare « la première des ambitions européennes doit être de retrouver la prospérité, pas un pourcentage de dette »… tout en mettant au premier plan, à l’inverse, la limitation des dépenses publiques, leur corsetage par la Cour des Comptes et la diminution des interventions ! C’est une injonction contradictoire qui paralyse, si nous ne la dénonçons pas.

Ou encore Jean Pisani-Ferry (rédacteur du programme économique d’Emmanuel Macron) déclare « il faudrait pour chaque objectif [du plan européen] se demander quel investissement on prévoit et quelle réforme on associe ». C’est à dire : toujours les investissements et le capital au lieu de l’emploi et des travailleurs et des travailleuses ? C’est insister sur les décisions autoritaires de mêmes (contre)réformes qu’avant, et, surtout, évacuer les critères et un suivi démocratique de ce que font les entreprises. Il va falloir ne pas se faire bluffer par le mouvement que semblent faire les forces dominantes : concéder sur l’idée de conditions (mais pas sur critères), sur BCE – création monétaire, mais pas sur l’austérité. Concéder, sur un (petit) impôt des riches transitoire (préconisé par le FMI) mais pas un impôt sur le capital des entreprises et selon l’utilisation de ce capital. Concéder sur intervention de l’État mais pas sur des pouvoirs pour une autre gestion des entreprises, ni sur le développement de l’emploi-formation sécurisé dans les services publics. Et nous ne sommes pas à l’abri d’un semblant de « pôle public du médicament » que présenterait le gouvernement, paravent d’une aide étatique plus forte que jamais au capital et aux profits.

C’est dire si les questions de nouvelle démocratie et d’une nouvelle efficacité basée sur le développement des capacités humaines et des travailleurs et des travailleuses, d’autres critères de gestion des entreprises sont refoulées. Or elles sont décisives, y compris pour déjouer la paralysie possible du mouvement populaire. Cela met la bataille d’idées et la bataille pour de nouvelles institutions, de portée révolutionnaire, au cœur des défis de la conjoncture elle-même.

C’est le moment de prendre des initiatives pour des conférences régionales permanentes, appuyés par des fonds. Des conférences qui pourraient, dans un processus de lutte, commencer par être sectorielles : jeunesse, santé, etc.

Annexe

PIB en volume – Évolution trimestrielle

en %, t/t-1

 2019   2020   2021
T1T2T3T4T1T2T3T4T1
France0,50,30,2-0,2-5,8-13,618,5-1,40,4
Allemagne0,6-0,50,30,0-2,0-9,78,70,5-1,7
Italie0,10,10,0-0,4-5,6-12,915,8-1,8-0,4
Espagne0,50,40,40,4-5,4-17,817,10,0-0,5
     
Zone euro0,50,20,20,1-3,8-11,612,5-0,7-0,6
Pologne1,80,81,10,2-0,1-8,97,5-0,50,0
Suède0,30,20,5-0,3-0,3-7,66,4-0,20,0
UE270,60,30,30,1-3,3-11,211,7-0,5-0,4
     
Royaume-Uni0,60,10,50,0-2,8-19,516,91,30,0
     
États-Unis0,70,40,70,6-1,3-7,98,41,11,6
Sources : Eurostat (d’après les INS nationaux), BEA (USA), ONS (Royaume-Uni)

Niveau de PIB en volume

(indice 100 en 2019-T3)

Commentaire : Les pays n’ont pas retrouvé leur niveau de PIB de fin 2019, sauf les USA


[1] On ne peut s’empêcher ici de citer Lénine (économiste, faut-il le rappeler) fustigeant dans Que faire ? ceux qui ne font que répéter les revendications « économicistes » ou « trade-unionistes » d’augmentation des salaires au lieu de se saisir de cette revendication pour poser la question de la conquête de pouvoirs politiques sur l’économie, pour une autre logique de son fonctionnement.

[2] Voir Yves Dimicoli, « Intégration commerciale en Asie (RCEP ) : défi ou opportunité ? », Économie&politique, , n° 796-797, novembre-décembre 2020, https://dev.economie-et-politique.org/2020/12/10/integration-commerciale-en-asie-rcep-defi-ou-opportunite/

[3] Interview de Th . Breton le 28 avril aux Echos

[4] Celle-ci est scandaleuse à plus d’un titre. On met en avant en particulier la « rupture d’égalité » qu’introduirait le fait de calculer le salaire journalier de référence sur une période de 23 mois (!) incluant les jours non travaillés. C’est révoltant, et il faut faire monter l’indignation là-dessus, l’écart peut être de 1 à 50 entre deux situations, d’après un calcul fait par l’UNEDIC, à la demande de la CGT. C’est profondément injuste socialement. Mais cela veut dire aussi : « moins tu travailles, moins tu peux te reconstituer, te former, te développer » ! C’est une conception marchande de l’assurance chômage : recevoir ce qu’on a donné. A l’opposé d’une mutualisation, et surtout à l’opposé de ce qu’exigent les bouleversements du travail. C’est donc aussi profondément inefficace économiquement. Cela explique la conjonction d’oppositions à cette réforme de la CGT à la CGC, et même la CFDT. Voir Catherine Mills, « La réforme de l’assurance-chômage : une réforme contre les droits des chômeurs », Économie&Politique, n° 800-801, mars-avril 2021.

[5] Si le PIB fait -10% puis + 10%, je ne retrouve pas le même niveau, car le +10% s’applique à un montant plus faible : en partant de 100, avec -10% j’arrive à 90, puis avec +10% je ne remonte qu’à 99. A l’arrivée, il manque 1% par rapport au niveau initial.

[6] Il consiste à minorer de 25% la production des administrations publiques (APU) lorsqu’elles sont en télé-travail, les fonctionnaires étant alors supposés moins efficaces de 25%…
 (En effet, dans le PIB, la production des APU est grosso modo mesurée comme la valeur des salaires des fonctionnaires. L’Insee a décidé d’y enlever 25%  lors des périodes de confinement, et de considérer que ces 25% sont une sorte d’aide, pas une mesure de la production des travailleurs.ses. Les infirmières, les profs, les fonctionnaires territoriaux qui multiplient les heures supplémentaires apprécieront !)

[7] Non seulement cela arme la puissance des marchés financiers contre l’emploi, mais en plus c’est en partie comme cela que les marchés peuvent réaliser des profits sur la dette : par des plus-values lors de la vente des titres de dette. Ils spéculent dessus.

[8] Des réformes institutionnelles se cherchent. Ainsi, concernant l’Etat une fusion des Direccte (économie-finances) avec les Directions départementales du travail et de la cohésion sociale est en cours dans les nouvelles DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Cela peut apparaître une bonne idée de lier emploi – économie – argent – cohésion territoriale. En réalité, cela aboutit à une nouvelle direction interministérielle, dépendant de plusieurs ministères, donc d’aucun. C’est la poursuite de la réforme Fillon-Sarkozy. Cela risque de déboucher sur de nouveaux dysfonctionnements, et sur une certaine paralysie. Cela va probablement encore renforcer le couple patronat-Régions et, secondairement, les préfets.

[9] Par exemple ARM producteur britannique de semi-conducteurs, leader mondial des puces mobiles, possédé par un Japonais et racheté par l’américain NVDIA pour 40 milliards de dollars !