L’emploi des jeunes a été plus négativement impacté lors de la pandémie de Covid-19. Le Mouvement Jeunes Communistes de France fait des propositions précises pour en finir avec ce scandale.
Pendant le confinement, 9 % des jeunes (15-24 ans) ont perdu leur emploi, contre 2 % des 40-65 ans (INSEE). Ce sont les salariés les plus précaires qui sont les plus exposés aux pertes d’emplois. Les jeunes sont plus souvent en CDD ou en intérim, des emplois temporaires qui ont été principalement réduits depuis le début de la pandémie : l’emploi intérimaire a été réduit de 41 % au premier trimestre 2020 ; en décembre, il est resté inférieur de 6 % à son niveau de 2019 (Dares). L’année dernière, les embauches en CDD ont été moins nombreuses également par rapport à leur niveau habituel. La situation des jeunes face à l’emploi est particulièrement dégradée depuis 2020, mais c’est largement dû à une précarité déjà existante.
Avant la pandémie, la précarité généralisée chez les jeunes
4 jeunes travailleurs sur 10 ont un emploi précaire (CDD ou intérim). Même si l’emploi à durée indéterminée concerne 85 % de la population active, les jeunes de 15 à 24 ans sont 37 % en emploi précaire, contre 13 % pour l’ensemble des travailleurs. L’emploi des jeunes garde ce caractère de précarité au-delà de 24 ans, puisque l’âge du premier emploi stable est 27 ans (CESE, 2019).
La précarité de l’emploi des jeunes peut être en partie expliquée par l’allongement de la durée d’études, car les non-diplômés et les moins diplômés sont plus exposés à la précarité que les diplômés et sont plus représentés chez les jeunes actifs que dans l’ensemble de la population active (les étudiants ne sont pas actifs).
Mais c’est surtout la politique d’embauche des entreprises qui en est la cause : 9 embauches sur 10 se font en CDD, notamment beaucoup dans des durées très courtes : l’entrée dans la vie active et l’accès à l’emploi se font à travers des embauches précaires. L’emploi temporaire et précaire est une variable d’ajustement qui permet aux entreprises d’adapter leurs effectifs aux besoins de valorisation du capital, qui varient, notamment avec des phénomènes saisonniers, mais aussi des crises économiques. L’objectif est toujours de maximiser la rentabilité du capital.
Cette logique se retrouve dans le chômage des jeunes travailleurs. Celui-ci est plus élevé chez les jeunes (20 %) pour les mêmes raisons que pour la précarité. Parmi les actifs (occupés et inoccupés), le taux de chômage longue durée est également plus élevé chez les jeunes (4,9 % contre 3,4 % pour l’ensemble des actifs). Le taux de sous-emploi également : 25 % des jeunes travailleurs sont en temps partiel ou en sous-emploi (34 % des jeunes travailleuses). Le chômage est utilisé par les capitalistes comme un régulateur de ses besoins de main-d’œuvre et pour contenir le prix de celle-ci. A ce titre, les jeunes sont plus faciles à licencier, puisqu’ils sont les derniers entrés (l’ancienneté est un critère récurrent dans l’ordre des licenciements) et qu’ils ont plus souvent un emploi précaire.
D’autre part, l’emploi précaire et le chômage sont des vases communicants. Avec un volant de contrats courts type CDD ou intérim, l’employeur peut renouveler ou non les contrats en fonction des besoins de valorisation du capital et adapter la masse salariale en conséquence. Un contrat précaire ne permet pas à un jeune de sortir durablement du chômage : la réalité est que beaucoup de jeunes travailleurs alternent des périodes de précarité et des périodes de chômage.
Le plan « 1 jeune 1 solution » du gouvernement
La politique du gouvernement crée un effet d’aubaine pour le capital, mais elle ne crée pas d’emplois pour les jeunes. Le plan « 1 jeune 1 solution » présenté par le gouvernement en juillet 2020 pour les 16-25 ans consiste principalement à subventionner l’emploi des jeunes par l’argent public.
Une « aide au recrutement » de 4 000 euros est offerte aux entreprises pour l’embauche d’un jeune. Le problème est que la subvention peut être obtenue pour des CDD de 3 mois minimum, qui prennent fin au terme de la subvention et ne créent donc pas d’emploi. C’est un effet d’aubaine pour les entreprises, qui utilisent l’argent public pour maintenir la rentabilité du capital. Il y a aussi des effets pervers (jeune embauché en CDD plutôt qu’en CDI, embauche d’un jeune au détriment des plus de 26 ans…). Si l’embauche des jeunes doit être une priorité, il ne faut pas oublier qu’une embauche ne correspond pas nécessairement à une création de poste mais peut correspondre à un remplacement ou à un poste vacant. Malgré l’argent public déversé, le nombre d’embauches de jeunes a nettement baissé en 2020.
Les entreprises peuvent avoir une subvention de 5 000 euros pour un apprenti de moins de 18 ans et de 8 000 euros s’il est majeur. Cela veut dire que l’entreprise fait travailler l’alternant presque sans frais, avec de l’argent public. Rappelons que les apprentis et les alternants ont déjà un salaire qui va de 27 % à 85 % du SMIC (avant 26 ans). De cette façon, l’entreprise capte la valeur produite par l’apprenti sans avoir à assurer elle-même son salaire puisqu’il est massivement compensé par de l’argent public et un salaire réduit.
Le plan du gouvernement prévoit d’accompagner 600 000 jeunes (il y a près de 3 millions de jeunes actifs de 16-25 ans en France) : 100 000 services civiques supplémentaires, 200 000 formations et 300 000 parcours d’insertion (dont 150 000 garanties jeunes et 120 Parcours Emploi Compétence, PEC). La situation des services civiques est particulièrement scandaleuse : les jeunes volontaires sont payés 580 euros par mois pour 24 heures minimum jusqu’à 48 heures par semaine, pour des missions qui sont en réalité du travail dissimulé. Le secteur public est le premier « employeur » de services civiques, devant le monde associatif, pour pallier les manques de personnels. Pour les PEC, l’employeur est subventionné entre 30 % et 60 % du SMIC brut. Pour les garanties jeunes, une allocation plafonnée à 497 euros et dégressive peut être versée au jeune.
En plus d’inciter les employeurs publics et privés à recourir à l’emploi précaire pour les jeunes, le plan du gouvernement les encourage à payer les jeunes au SMIC ou largement en dessous, voire à recourir au travail dissimulé. Il s’agit d’un détournement de l’argent public vers les profits, avec un bilan quasi nul pour l’emploi des jeunes sur le temps long. Le seul horizon proposé aux jeunes travailleurs est celui de la précarité.
Conclusion : la nécessité d’une sécurisation de la formation et de l’emploi des jeunes
Pour sortir les jeunes du chômage, il faut lutter à la fois contre la précarité de l’emploi et créer des embauches. De ce point de vue, le choix du gouvernement, de subventionner même des contrats précaires et de multiplier les dispositifs de travail dissimulé sous-payés, est un véritable scandale ; enfin, ne pas envisager la création d’emplois publics, alors qu’il en manque tant, mais privilégier la création de services civiques pour y pallier, est une véritable insulte envers la jeunesse.
Le Mouvement Jeunes Communistes de France a reformulé très tôt pendant le premier confinement des revendications pour permettre aux jeunes de faire face à la crise, en particulier en sécurisant l’emploi et en mettant fin à la précarité. Il est urgent en même temps de créer des emplois, en commençant par le public et les secteurs stratégiques pour le pays. Créer des emplois, cela signifie d’une part que les employeurs publics et privés doivent assumer leur responsabilité sociale en recrutant des jeunes de manière sécurisée et en les formant pleinement à leurs missions ; d’autre part, cela veut dire que les travailleurs eux-mêmes doivent pouvoir intervenir sur la création d’emploi. On peut commencer par revendiquer dans les luttes des créations de postes (à l’image de la revendication des syndicats du public pour le +10 % de personnels). Les luttes peuvent conduire à terme à un pouvoir de création d’emploi par les travailleurs.
Le MJCF formule 3 propositions cohérentes pour recruter massivement les jeunes en les sortant de la précarité :
Le recrutement en CDI ou la titularisation, avec une formation professionnelle :
Cette revendication vise à mettre fin aux contrats précaires dès l’embauche des jeunes, pour éviter la période d’enchaînement des contrats courts et précaires ponctuée par des épisodes de chômage que connaissent les jeunes travailleurs. La norme d’embauche et d’emploi doit devenir le CDI dans le secteur privé et la titularisation dans le secteur public. Dès à présent, l’État pourrait conditionner les aides publiques à l’interdiction des contrats précaires. Cette revendication concerne les jeunes qui sont sortis de la formation initiale et qui veulent travailler. Si le jeune est recruté à un poste non qualifié, alors l’employeur doit lui proposer une formation professionnelle afin qu’il évolue vers un poste qualifié.
Le pré-recrutement, une formation rémunérée avec une garantie d’embauche :
Il s’agit de recruter des jeunes avant la fin de leur formation. De nombreux secteurs où les besoins sociaux sont croissants et où il manque du monde (par exemple, dans la santé, l’éducation, les transports ou l’énergie…) recrutent insuffisamment et se mettent en situation de perdre les savoir-faire, notamment en sous-traitant certaines tâches. En même temps, certains secteurs d’intérêt public ou stratégique connaissent une véritable crise des vocations, en partie car la précarité y est de plus en plus forte. Pour se mettre à la hauteur des besoins, les services publics et les secteurs stratégiques devraient recruter massivement : le pré-recrutement permet que les jeunes soient en nombre suffisants aux postes dont le pays a tant besoin.
Apprentissage : une garantie d’embauche au terme d’un apprentissage :
Il s’agit de garantir un emploi aux jeunes qui ont fait un apprentissage. Le nombre d’apprentis et d’alternants est en constante augmentation : il a même atteint les 500 000 contrats en 2020, avec l’effet de la prime à l’embauche. Mais 3 jeunes sur 10 n’ont pas d’emploi 7 mois après la fin de leur contrat d’apprentissage ; c’est même 1 jeune sur 2 qui est dans cette situation quand il obtient un CAP. Il s’agit d’éviter que le jeune diplômé qui a été apprenti se retrouve sans emploi. 1 jeune sur 2 travaille dans l’entreprise où il a été apprenti : il faut étendre cette réalité à plus d’apprentis, en demandant aux grandes et moyennes entreprises d’embaucher systématiquement l’apprenti au terme de sa formation. Les employeurs doivent anticiper les départs en retraite des salariés en formant un jeune en apprentissage au côté du futur retraité pour le remplacer (celui-ci bénéficierait d’un temps de travail allégé avant la retraite). Pour les très petites entreprises (qui emploient la moitié des apprentis), il faut organiser une coopération au niveau de la branche professionnelle pour assurer l’emploi de l’apprenti après sa formation si son employeur n’a pas la possibilité de l’embaucher.