Plus la double crise, économique et sanitaire, fait monter les angoisses, plus la tentation est forte de trouver des remèdes qui dispensent de lutter contre la domination du capital. Le dernier numéro de la Lettre du RAPSE contenait une réfutation de ces illusions dont nous publions un extrait.
La COVID 19, la crise sanitaire qui en résulte, ne sont pas responsables de cette crise mais l’ont accélérée et renforcée, en stoppant une partie de l’économie et en créant un tsunami sur les secteurs de l’industrie du tourisme, de la culture…
Cette crise sanitaire « justifie » ou « permet » de justifier aux yeux de l’opinion publique les suppressions d’emplois par centaines de milliers.
En réalité, c’est l’occasion pour tous les grands groupes de se restructurer (fermetures, réductions d’effectifs, délocalisations…) avec l’objectif de renouer avec des taux de rentabilité plus satisfaisant pour les actionnaires. On baisse le coût du travail (salaires) pour augmenter le coût du capital (dividendes, frais financiers) !
Pour ce faire, on détruit une partie du capital, on licencie des milliers de salariés, on délocalise, on réorganise les chaînes de valeurs dans le monde. Du grand classique !
Les causes réelles de la crise et ses conséquences sur l’emploi, la misère générée par le chômage trouvent leur source dans le capitalisme, dans sa recherche effrénée de toujours plus de profits.
Et c’est bien cette source qu’il faut tarir pour mettre un terme à la misère, au chômage.
Cela veut dire s’opposer aux pouvoirs exorbitants du patronat et de la finance, notamment là où s’exercent ces pouvoirs : dans les entreprises, dans les banques.
La difficulté est grande. Ce patronat, ceux qui sont aux manettes de la finance, n’entendent pas se laisser dépouiller facilement de leurs pouvoirs, mais cet objectif est décisif, révolutionnaire.
Devant les difficultés de contester les pouvoirs du patronat et de la finance, certains cherchent des solutions pour atténuer les maux du capitalisme. Ce sont des échappatoires qui ne permettent pas de rompre avec les causes de la crise.
Le chômage serait la conséquence d’une diminution de l’emploi, liée aux mutations du travail « Ce revenu du travail doit permettre de répondre aux mutations du travail… » (G. Valette militant du Mouvement français pour un revenu de base, Débat et controverses, L’Humanité du 24 novembre 2020 : « Le revenu de base ou universel, une solution contre la pauvreté ? » ou à une partie croissante de l’emploi salarié… remplacé par des robots ou des logiciels : « La menace d’une société où une partie croissante de l’emploi salarié serait remplacé par des robots ou des logiciels… » S.Taillé-Polian Génération.s. Ibidem.
- C’est ne pas voir l’immense besoin d’emplois nouveaux, très qualifiés, dans l’industrie, en lien avec la révolution informationnelle, l’immense déficit d’emplois qualifiés dans les services publics existants à commencer par les hôpitaux : personnel de soin mais aussi entretien d’un matériel de plus en plus sophistiqué, mais aussi les besoins immenses dans les écoles ou pour développer des services publics répondant aux besoins de la petite enfance, de la dépendance, de la culture, du sport etc.
- c’est ne pas voir l’immense besoin de formation grandissant, tout au long de la vie pour répondre aux évolutions techniques ou pour pouvoir changer d’emploi, de filière et donc la double nécessité de libérer du travail une grande partie des salariés pour leur permettre d’accéder à la formation et de former des formateurs.
- c’est ne pas voir aussi les besoins humains de disposer de plus de temps pour s’épanouir dans d’autres activités avec un temps de travail réduit : temps d’études plus long, semaines plus courtes, congés payés, retraite plus tôt pour ceux qui le désirent.
Mais dans la logique capitaliste, les nouvelles technologies, la révolution informationnelle génèrent du chômage en l’absence de création d’activités avec les investissements nécessaires pour répondre aux besoins réels.
Donc, au lieu de s’attaquer aux causes de la misère, on va l’aménager en octroyant des ressources dissociées de l’emploi et permettant de survivre en l’absence de celui-ci.
Pour les uns (G.Valette) on fait de la redistribution : « on reçoit et on participe au financement. Ce revenu dissocié de l’emploi doit être d’un montant suffisant pour se substituer à toutes les aides de l’État…Ce revenu… cumulable avec d’autres revenus…de la naissance à la mort, sans contrôle des ressources ni exigence de contreparties…
Pour d’autres (S. Taillé-Polian)-c’est finalement la même chose : « un revenu garanti, individuel, inconditionnel. ».
Mais d’où sort ce revenu inconditionnel ?
Le problème principal, c’est que ce sont les hommes qui créent les richesses pas les machines qui, elles, ne font que transférer leur valeur dans les marchandises créées ! Et le remplacement des hommes par les machines, inéluctable pour certains travaux, s’il est utilisé pour baisser les dépenses de salaires, entraîner des progrès de productivité, conduit à une suraccumulation de capital (travail mort) et donc à une baisse tendancielle du taux de profit.
Pour restaurer le taux de profit des capitaux dominants (il peut y avoir de la casse chez les plus fragiles) il y a nécessité de dévaloriser une partie du capital (fermetures d’entreprises).
C’est ce qui se passe actuellement à la faveur du prétexte de la crise sanitaire.
En évacuant les causes de cette catastrophe humanitaire que représente la montée du chômage, c’est sur une base humaniste que sont proposées des solutions : un revenu universel, ou quel que soit son nom, permettant à chacun de survivre même sans emploi et donné à tous.
Le revenu universel sera donc une redistribution à partir des richesses crées. Et comme les promoteurs de cette proposition acceptent la disparition des emplois comme une fatalité liée à la montée de la révolution informationnelle, ils acceptent l’idée qu’une partie de plus en plus faible de la population travaillera pour assurer une subsistance à celle condamnée au chômage.
Dans les différentes propositions (d’accord entre elles sur le fond) des ambiguïtés sont nombreuses sur les montants, sur le périmètre (remplacement de tous les revenus -chômages, allocations de logement, allocations familiales etc…). Mais la convergence existe.
Il s’agit d’une allocation (pas de salaire sans production).
Il s’agit d’une redistribution, d’un partage entre contribuables. Cela ne remet absolument pas en cause le capitalisme, les pouvoirs exorbitants des patrons et de la finance.
La proposition de « cotisation sur le capital productif, les machines qui remplacent l’homme… » est un non-sens : la machine doit libérer l’homme des travaux pénibles, et permettre plus de temps libre à chacun pour s’épanouir dans des activités choisies. Ce ne sont pas les machines qui créent le chômage mais l’utilisation qu’en font les capitalistes. C’est cela qu’il faut récuser.
Et contrairement à ce qui est affirmé en appui à cette mesure, cela ne sera sûrement pas à une aide pour les salariés victimes de bas salaires ou de travaux pénibles pour négocier de meilleures conditions en acceptant au lieu de la combattre, le chômage de masse : « Il (le revenu de base) donne aux salariés et aux organisations syndicales des capacités de lutte et de négociation pour de meilleurs salaires et conditions de travail. » (G. Valette).
« Il vient (le revenu garanti, individuel) par–là donner un rapport de forces nouveau… une capacité à négocier aux travailleurs.es les plus précaires face à leurs employeurs ». (S. Taillé-Polian).
Le revenu universel ou revenu garanti justifie l’armée de chômeurs qui peut venir concurrencer en tout premier lieu les emplois sans qualification. Le chômage de masse a toujours été un frein aux revendications salariales : vous n’êtes pas content ? Il y en a cent qui attendent à la porte !
Et un revenu assuré, sans lien avec la création des richesses, ne peut qu’être un prétexte à des reculs sociaux : on engage une autre répartition des richesses créées sans s’attaquer au type de production de celles-ci, sans mobilisations importante des salariés pour remettre en cause les rapports de subordination. Gageons que les vases communicants se feront entre salariés et chômeurs !
Autre chose est d’augmenter les minimas sociaux existants, dont les allocations chômage, leur durée. Mais même ceci n’est qu’un pansement sur les plaies du capitalisme.
Alors que la révolution informationnelle demande des gens qualifiés, avec des connaissances renouvelées en permanence, nous voulons que les femmes et les hommes puissent alterner tout au long de leur vie, les périodes de travail salarié et les périodes de formation rémunérées leur permettant d’accéder à un emploi plus qualifié ou à un autre emploi différent.
Il s’agit ainsi de mener de pair l’émancipation humaine avec une efficacité accrue des entreprises assurant un virage social et écologique de celles-ci sans les gâchis du coût du capital (dividendes, frais financiers).
La violence de la crise actuelle ne peut se satisfaire de propositions perpétuant la domination du capital.
Dès maintenant, il est possible de créer à l’échelon local, départemental, des conférences pour une bataille sur l’utilisation de l’argent : aides de l’Etat, de la BCE, utilisation du crédit, contestation des distributions de dividendes pour préserver les emplois, développer de vrais formations rémunérées plutôt que le chômage, exiger le développement de services publics, notamment, en urgence, l’hôpital avec l’ouverture de lits pérennes et l’embauche de personnels, l’école pour réduire les effectifs dans les classes.
La sécurité d’emploi et de formation
Ce qui doit être l’objectif c’est de sécuriser la vie des hommes et les femmes tout au long de leur vie, éradiquer le chômage.
- Cela commence par un revenu pour les étudiants leur permettant d’étudier sans avoir à travailler parallèlement,
- cela continue dans la vie active par la conquête de libertés dans l’entreprise avec des pouvoirs décisionnels sur les questions importantes : utilisation des profits, accès au crédit pour les investissements, emplois etc,
- et le droit de formations tout au long de la vie avec un revenu sécurisé pour accéder à un autre emploi plus qualifié, changer de filière.
Nous voulons éradiquer le chômage et la précarité. Cela signifie un autre type de production répondant aux besoins humains, respectueux de notre environnement, avec une efficacité sociale de plus en plus développée.
Nous voulons que les ressources issues du travail ainsi que le crédit des banques soient consacrées non pas à goinfrer des actionnaires mais à développer une industrie moderne répondant aux besoins, à développer des services publics utiles aux gens, à la qualité de leur vie.