Pour sortir de la crise, une autre utilisation de l’argent !

« Quoi qu’il en coûte » : sous prétexte de conjurer l’effondrement économique qui menaçait avant la pandémie, et que celle-ci a précipité, des masses énormes d’argent sont mobilisées.

En France, la récession et les dépenses supplémentaires entraînées par le chômage partiel et par le soutien aux entreprises ont creusé le déficit public de près de 200 milliards en 2020.

Tout cela n’est possible que parce que les banques centrales inondent les banques et les marchés financiers d’argent gratuit, voire subventionné (la BCE pratique un taux négatif, -1 %, pour ses prêts aux banques de la zone euro qui financent les entreprises et les banques). Mais cet argent (1 650 milliards d’euros d’achats de titres et jusqu’à 3 000 milliards de prêts aux banques) n’est pas utilisé pour développer les services publics, ni pour protéger les salariés contre le tsunami du chômage. Banques et détenteurs de portefeuilles financiers s’en servent avec un seul mot d’ordre, celui qui inspire aussi la politique du gouvernement français : redevenez rentables !

Mais c’est précisément de là que vient la crise : de la dévitalisation des systèmes de santé et de tous les services publics au nom de l’austérité budgétaire, des pressions sur les salaires au nom de la baisse du coût du travail qui affaiblissent structurellement la demande, de l’insuffisance des dépenses de formation et de recherche qui conduisent à une mise en œuvre perverse et inefficace des nouvelles technologies… Ce sont là les dégâts de la domination du capital.

Ce n’est donc pas le retour à la rentabilité du capital qu’il faut privilégier, tout au contraire ! Ce sont les capacités de tous les êtres humains à se développer, à créer des richesses, à coopérer en partageant la production et l’usage de ces biens communs que sont le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau… Préparer l’avenir, ce n’est pas mettre les salariés au chômage, c’est sécuriser la situation et les revenus de toutes et tous, et développer massivement la formation, moyen d’une libre participation de chacune et chacun à la construction d’une économie émancipée du capital et de sa prédation sur la nature et sur les êtres humains.

Cela demande donc une tout autre utilisation de l’argent public, des profits des entreprises et de l’argent des banques.

Les grands groupes de l’industrie et des services, les compagnies d’assurances, doivent assumer leur responsabilité sociale et écologique en faveur des salariés et des sous-traitants. Ils doivent contribuer au financement d’un plan d’urgence pour les services publics. Il faut pour cela que les salariés et leurs représentants disposent de nouveaux pouvoirs de proposition et d’intervention sur l’utilisation de l’argent dans les entreprises. Il faut aussi que l’administration fiscale retrouve les moyens de contrôler les stratégies fiscales des grands groupes et de combattre l’évasion fiscale.

Appuyées sur la masse énorme des dépôts de tous les citoyens, et sur celle des refinancements de l’Eurosystème (la Banque centrale européenne et les 19 banques centrales nationales de la zone euro), les banques doivent réserver leurs crédits aux projets répondant à des critères précis en matière économique (création de valeur ajoutée dans les territoires), sociale (emploi, salaires, formation), écologique. Elles doivent financer un programme de prêts à taux massivement réduits aux TPE-PME qui s’engagent à préserver l’emploi et les salaires de leurs salariés.

L’Eurosystème doit cesser d’injecter aveuglément des centaines de milliards d’euros sur les marchés financiers par ses achats de titres (quantitative easing). La monnaie qu’il crée massivement doit aller à un fonds européen de développement des services publics, finançant des projets démocratiquement élaborés, décidés, réalisés, contrôlés dans les différents pays de l’UE. Tout de suite, cet argent peut être prêté, en France, à la Caisse des Dépôts et consignations et à BPI France pour alimenter un fonds d’urgence sanitaire et de sécurisation pour le soutien aux TPE-PME (garanties et bonifications d’intérêts) et pour le développement des services publics (santé, éducation, recherche, transports, énergie, sécurité, justice…).

Voilà autant de missions nouvelles pour toutes les institutions financières : elles rendent encore plus nécessaires la sécurisation de l’emploi et de la formation pour celles et ceux qui y travaillent, au lieu des annonces de suppressions d’emplois qui pleuvent sur les salariés des banques, et des politiques d’austérité qui mettent dans le collimateur les agents des administrations économiques et financières.

Nous appelons les compagnies d’assurance, les banques publiques, mutualistes et privées, la Caisse des Dépôts, la Banque de France, les administrations du ministère de l’Économie et des Finances à jouer un rôle nouveau dans cette bataille de civilisation. Nombre de leurs salariés sont disponibles pour aider à la construction des rapports de forces, dans les luttes et dans les rassemblements politiques, en faveur de ces propositions.

Nous demandons qu’elles soient mises à l’ordre du jour de conférences locales, régionales et nationale pour l’emploi, la formation et la transformation productive et écologique. Ces conférences réuniraient des représentants des salariés – y compris du secteur bancaire et financier, des entreprises et des institutions financières – les administrations économiques, les élus. Elles adopteraient des objectifs chiffrés et contrôlables de créations d’emplois, de programmes de formation, de recherche. Elles concrétiseraient la mobilisation de toute la société contre la domination du capital et pour une nouvelle logique économique, sociale et écologique ayant en son cœur la sécurisation de l’emploi et de la formation.

Premiers signataires : Jacques Atlan, Frédéric Boccara, Christian Cordellier, Jean-Louis Corvaisier, Yves Dimicoli, Yvan Donnat, Denis Durand, Jean-Marc Durand, Pascaline Fourgoux, Pascal Gabay, Benoît Garcia, Alain Guichard, Stéphane Guyard, Hervé Hannoteaux, Jean-Paul Krief, Nasser Mansouri-Guilani, Dominique Micat, Marie-France Nardot, Martine Rolland, Philippe Roquencourt, Fabienne Rouchy, Patricia Tejas

1 Comment

  1. Pour un pôle public financier au service des besoins d’utilité publique et sociale du pays et contrôlé par les citoyens et les travailleurs et travailleuses du secteur public.

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