PENSIONS, FISCALITÉ : LES RETRAITÉ.E.S MALTRAITÉ.E.S

Les retraité∙e∙s font partie des principales cibles des politiques fiscales et sociales réactionnaires menées depuis trente ans, et aggravées par Emmanuel Macron.

Une revalorisation des pensions de retraite insuffisante depuis 1988

En 1988, Philippe Seguin a décidé le décrochage des pensions de retraite du régime général par rapport au salaire moyen avec l’indexation des pensions de retraite de la CNAV sur l’indice des prix. Balladur, en 1993, a allongé la durée de cotisations et a modifié le calcul (25 meilleures années au lieu de 10). Si Juppé, en 1995, avait dû abandonner sa réforme, en 2003 Fillon a aligné la quasi-totalité des régimes de retraite sur la revalorisation en fonction de l’évolution des prix. Depuis 2008, la régression a subi une formidable accélération, accentuée à partir de 2013. À coup de mesures exceptionnelles, de modifications législatives, le montant brut des pensions a été très grandement dégradé. Pour les pensions de retraite complémentaires, les revalorisations ont été très insuffisantes.

Revalorisation des pensions de retraite

 201320142015201620172018201920202021
Régimes de base1,3 au 01 04 (1)00,1 au 01 1000,8 au 01 100 (2)0,3 au 01 01 (3)0,3 à 1 au 01 010,4 au 01 01
Complémentaires0,8 au 01 0400000,6 au 01 111 au 01 110 ?
  • Instauration de la CASA de 0,3 % au 1er avril
  • Augmentation de la CSG de 6,6 à 8,3 % au 1er janvier
  • En fonction du revenu fiscal de référence certains ont eu un retour à 6,6 % pour la CSG.

Pour les pensions de retraite de base, l’équivalent de deux ans de revalorisation a été perdu,
et 4,5 ans pour les retraites complémentaires

Jusqu’en 2008, la revalorisation des pensions de base intervenait au 1er janvier sur la base de l’inflation estimée par la loi de Finances, avec une régularisation tenant compte de l’inflation de l’année précédente. Le report de la revalorisation au 1er avril en 2009 par Sarkozy, au 1er octobre en 2015 par Hollande puis au 1er janvier en 2019 par Macron ont fait perdre une année. Le gel des pensions en 2014 et la modification par Hollande du calcul des revalorisations en fonction de l’inflation constatée sur l’année écoulée, et non plus sur l’inflation estimée pour l’année à venir, ont fait perdre une deuxième année (cette mesure a été appliquée au 1er octobre 2015 alors que la modification du Code de la Sécurité sociale n’avait pas encore été adoptée par le parlement).

Quant aux retraites complémentaires, leur non-revalorisation du 1er avril 2013 au 1er novembre 2017 est due au refus obstiné du patronat d’augmenter les cotisations. La CGT, contrairement à certaines organisations syndicales, a refusé ce diktat au détriment des retraités, sous prétexte de « sauver le régime ».

Des mesures fiscales très régressives depuis 2008

À ces revalorisations insuffisantes des pensions se sont ajoutées des mesures fiscales qui ont amputé encore plus le revenu disponible. Sans que la liste soit exhaustive : suppression de la demi-part en matière d’impôt sur le revenu pour la plupart des personnes vivant seules ayant élevé au moins un enfant (avec des conséquences importantes en matière d’impôts locaux et d’aides sociales) depuis l’imposition des revenus de 2008 (avec maintien limité, dans le temps et en impôt, jusqu’en 2013 pour les personnes qui avaient déjà eu cette demi-part), assujettissement à l’impôt sur le revenu de la majoration de pension pour les parents de 3 enfants et plus à partir de l’imposition des revenus de 2013, instauration de la CASA au 1er avril 2013, augmentation de la CSG au 1er janvier 2018. Pour la détermination du revenu imposable des retraités, 2,4 % ne sont pas déductibles pour ceux assujettis à la CSG à 6,6 ou 8,3 % ainsi que la CRDS et la CASA (soit 3,1 % au total) ; et pour ceux acquittant la CSG à 3,8 %, la CRDS n’est pas déduite.


Je paye 45 % d’impôt sur le revenu. Vrai ? Faux ?

Faux, avec la progressivité du barème le taux de 45 % ne s’applique que sur la dernière tranche. Ainsi pour un couple où un seul travaille il faut un revenu imposable en 2020 de 328 897 euros pour que chaque euros supplémentaire soit taxé à 45 %. Pour un couple de retraités c’est au-delà de 320 102 euros de revenu imposable, ce qui représente 28 347,75 euros de pensions mensuelles brutes.

Vrai, au-delà de ces limites ils paieront 45 % sur chaque euro supplémentaire. Mais même dans ces conditions pour 1 000 euros de revenus supplémentaires il reste encore 550 euros pour de menus achats ! ! ! ! ! les intéressés n’ont pas besoin d’aller frapper à la porte du Secours populaire !

Aux États-Unis le taux maximal de l’impôt sur le revenu a été dans les années 1930 de 91 %, pourtant le capitalisme n’est pas mort. En France dans les années 80 il y avait 14 tranches de 0 à 65 %.

L’impôt sur le revenu est un impôt progressif alors que la CSG est un impôt proportionnel. Ainsi en IR lorsque l’on passe de la tranche à 11 % à la tranche à 30 % le taux de 30 % n’est appliqué que sur la partie de revenu imposable (pour une part) excédant 25 710 euros. Avec la CSG lorsqu’une personne passe du taux de 3,8 à 6,6 %, elle paye dès le premier euro la CSG à 6,6 et cerise sur le gâteau elle acquitte aussi la CASA à 0,3 % et 1 % assurance maladie sur le montant de ses retraites complémentaires. Ainsi pour quelques euros supplémentaires de revenu brut, le revenu net est inférieur. Et certains envisagent très sérieusement, pas seulement dans la majorité macronienne, de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG et de supprimer ainsi la progressivité de l’impôt sur le revenu pour le plus grand profit des revenus les plus élevés et au détriment des plus modestes.


N’oublions pas les impôts indirects

Même si elles sont indolores, il ne faut pas l’importance des taxes indirectes, principalement la TVA et la TICPE (taxe intérieure sur les produits énergétiques). Elles pèsent lourdement sur les budgets, en particulier, de celles et ceux ayant les revenus les plus faibles. Il en est de même des dépenses de santé, surtout lorsque le manque de ressources conduit à ne pas pouvoir se payer une protection sociale complémentaire.

Un outil formidable : la flat tax

A son arrivée au pouvoir, Macron a tout de suite fixé ses priorités : taper sur les retraités avec l’instauration pour plus de 60 % des retraités d’un taux à 8,3 %, au lieu de 6,6 %, et favoriser les plus riches. Il a supprimé l’ISF à compter du 1er janvier 2018 et instauré le prélèvement forfaitaire unique ou « flat tax » sur les revenus de capitaux mobiliers (RCM). Jusqu’au 31 décembre 2017 ces revenus étaient une des composantes du revenu imposable et étaient donc soumis à la progressivité de l’impôt. Depuis le 1° janvier 2018, ils ne sont assujettis à l’impôt sur le revenu qu’à 12,8 % (auxquels s’ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux). Jusqu’à l’imposition des revenus de l’année 2020 ce taux était même inférieur à celui (14 %) de la première tranche effective de l’impôt sur le revenu. Pour les très gros revenus, au lieu de payer 45 000 euros d’impôt sur le reve négliger nu pour 100 000 euros de revenus de capitaux mobiliers, cela conduit à ne payer que 12 800 euros (avec ainsi la possibilité de pouvoir réinvestir immédiatement pour augmenter son capital).

La même mesure est intervenue il y a quelques années pour les plus-values immobilières. Elles sont taxées, à un taux fixe de 19 %, à l’impôt sur le revenu, alors qu’elles étaient une des composantes du revenu imposable. Ainsi les grandes fortunes payent un impôt moindre alors que les personnes modestes payent plus.

Les plus riches peuvent dire « merci Monsieur Macron pour ce magnifique cadeau »

Voilà une solidarité bien pensée les plus modestes payent pour les plus riches ! ! ! !

De nouveaux cadeaux pour les plus fortunés ?

Cette succession de cadeaux aux plus fortunés ne suffit pas, ce gouvernement et leurs amis des plus grandes fortunes en veulent toujours plus. Alors que le Président de la République et son gouvernement se refusent à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ou à mettre en cause l’imposition favorable des RCM, ils envisagent la mise en place d’un nouvel outil permettant de siphonner les finances publiques au profit des plus riches.

Ils veulent instaurer une labellisation de 150 fonds dédiés à des « prêts participatifs » pour prêter de l’argent à des entreprises à des taux d’intérêt à 5 ou 6 %. Taux très supérieurs à tout ce qui existe sur le marché et ces prêts seraient garantis par l’État.

Il est envisagé une diminution de la fiscalité sur les donations et transmissions entre générations, ce qui bien entendu concerne les plus riches. Le matraquage idéologique sur la taxation des successions porte ses fruits : 87 % des français approuvent l’idée que l’impôt sur les successions doit diminuer alors que seulement un tiers des successions sont taxables.

Le faux prétexte de la dette

La comparaison régulièrement utilisée entre montant de la dette et PIB n’a guère de sens car il est ainsi comparé un stock (la dette) à un flux (le PIB) alors que ce qui compte c’est le montant des intérêts à rembourser et qu’en ce moment la France emprunte à des taux négatifs.

Qui se préoccupe que le Japon ait un taux d’endettement de 240 % ?

La dette est utilisée comme un épouvantail afin de poursuivre les politiques néolibérales particulièrement destructrices. La principale question est celle de son utilité sociale : que finance-t-elle ? Sert-elle l’intérêt publique ou contribue-t-elle à alimenter les actionnaires ?

Une détérioration très importante du revenu disponible des retraités

Les tableaux démontrent la dégradation, pour la très grande majorité des retraités, de leur revenu net après payement de l’impôt sur le revenu et des contributions et cotisations sociales. Et même un retraité qui ne paye ni IR ni contributions sociales qui percevait 1 000 euros de retraite au 1er janvier 2013, contrairement au discours officiel, n’a pas le maintien du pouvoir d’achat malgré les 1 % au 1er janvier 2020. Son revenu disponible annuel en 2020 progresse de 2,5 % par rapport à 2013 alors que les prix selon l’indice INSEE ont progressé de 5,2 %. Où est le maintien de son pouvoir d’achat ? Et la situation est encore pire si une partie des pensions de retraite provient de complémentaires.

Pour celles et ceux ayant subi la suppression de la demi-part pour le calcul de l’impôt sur le revenu, c’est une perte nette importante, ainsi que pour les parents de trois enfants et plus qui ont vu la majoration de pension devenir imposable.

Dans quelques cas, la revalorisation est supérieure à la hausse constatée par l’INSEE ; cela est dû à une diminution de l’impôt sur le revenu liée à la modification des tranches et des taux ou à la décote, mais aussi parce que les pensions ont été revalorisées moins que les tranches du barème de l’IR, entraînant une minoration du revenu fiscal de référence et un passage du taux de CSG de 6,6 à 3,8 % entraînant la suppression de la CASA et du 1 % assurance maladie pour les retraites complémentaires.

Nous sommes donc très loin de l’affirmation des « retraités privilégiés ». De plus, les pensions de retraite ne sont pas une allocation, elles sont le fruit des droits acquis par le versement de cotisations pendant la vie active. Ces cotisations ont servi à payer les pensions de celles et ceux qui étaient à la retraite et à générer des droits pour la future retraite. C’est le principe de la retraite par répartition.

Pour ces tableaux pour 2 parts il est considéré que les deux membres du couple ont les mêmes revenus.

  • En 2013 : CSG à 6,6 % et CRDS à 0,5 % pour ceux payant l’IR + CASA à 0,3 % à partir du 1° avril, CSG à 3,8 % et CRDS à 0,5 % pour ceux dont l’IR est inférieur ou égal à 61 euros (impôt non mis en recouvrement), rien pour les non imposables à l’IR
  •  En 2020 CSG à 8,3 ou 6,6 % + CRDS à 0,5 % + CASA à 0,3 % ou CSG à 3,8 % + CRDS 0,5 % ou exonération de CSG selon le revenu fiscal de référence de l’année N-2.
  • Un abattement est accordé aux redevables de plus de 65 ans en fonction du revenu net global.
  • En 2013 : CSG à 6,6 % et CRDS à 0,5 % pour ceux payant l’IR + CASA à 0,3 % à partir du 1° avril, CSG à 3,8 % et CRDS à 0,5 % pour ceux dont l’IR est inférieur ou égal à 61 euros (impôt non mis en recouvrement), rien pour les non imposables à l’IR
  •  En 2020 CSG à 8,3 ou 6,6 % + CRDS à 0,5 % + CASA à 0,3 % ou CSG à 3,8 % + CRDS 0,5 % ou exonération de CSG selon le revenu fiscal de référence de l’année N-2.
  • Y compris le 1 % assurance maladie sur les retraites complémentaires
  •  Un abattement est accordé aux redevables de plus de 65 ans en fonction du revenu net global.

Les principales revendications syndicales pour les retraités

  • Pas de retraite inférieure au SMIC revendiqué par la CGT pour une carrière complète.
  • Revalorisation immédiate de toutes les pensions avec une remise à niveau par rapport au salaire moyen, de 100 euros au 1er janvier 2021 avant une véritable revalorisation de 300 euros.
  • Revalorisation annuelle des pensions et retraites de base sur l’évolution du salaire moyen.
  • Suppression de la CASA et de la hausse de CSG de 1,7 point en allant vers la transformation de la CSG en cotisation sociale.
  • Rétablissement de la demi-part en matière d’impôt sur le revenu pour toutes les personnes vivant seules ayant élevé au moins un enfant et suppression de la fiscalisation de la majoration de pension pour les parents de 3 enfants et plus.
  • Rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), retour de l’imposition des revenus du capital (les dividendes) à l’impôt sur le revenu (suppression de la flat tax), rétablissement d’un impôt sur le revenu réellement progressif de 0 à 65 ou 70 % (avec le taux 0 au niveau du SMIC), réduction de la TVA à 15 % et sa suppression sur les produits de première nécessité.