Hôpital : un avis du CESE qui met l’emploi en son coeur

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté le 13 octobre son avis L’hôpital au service du droit à la santé, sur un rapport de Sylvie Castaigne, Christine Tellier et Alain Dru. Frédéric Boccara est intervenu en séance plénière au titre du groupe des personnalités qualifiées.

Cet avis vient à point nommé ! Il montre, s’il en était besoin que notre assemblée est en phase avec les préoccupations profondes du pays. Et pour cause, de nombreuses pétitions citoyennes sont à son origine et nous sommes une représentation de la société civile organisée, de ses vécus, ses courants et opinions dans leur pluralité et diversité.

Pour l’hôpital, l’avis met l’emploi en son cœur. Et c’était absolument nécessaire. Sa première préconisation pose la nécessité – vous auriez pu dire « absolue » – de recrutement  de personnels, à tous les niveaux.

Recruter non pas seulement pour l’attractivité et pour garantir la sécurité des personnes, ce qui est ultra indispensable. Mais aussi, surtout !, pour assurer le droit à la santé !! Car derrière l’emploi, ce sont des travailleuses et des travailleurs qui sont décisifs pour soigner, mais dont on a invisibilisé le travail, que l’on a taylorisé, tenez-vous bien, en cherchant à augmenter le « nombre de gestes de soin » !!

Donc recrutement, mais aussi formation, totalement indispensable… massivement et pour toutes et tous. A compter donc dans le temps de travail et les calculs d’effectifs.

A ce propos, je regrette ne pas avoir trouvé mention du besoin de réactiver le pré-recrutement de jeunes payées durant leur formation, notamment comme infirmières, en réponse à la double urgence sanitaire et sociale !

Commencer par l’Emploi et la Formation, dans la sécurité, avec de nouveaux pouvoirs et financements, voilà un projet moderne que, vous savez, je porte avec nombre de mes amis ! Pour de nouvelles sécurités émancipatrices … par un système de Sécurité d’emploi ou de formation.

75 ans après la création de la Sécu, avec Ambroise Croizat et d’autres, voilà une « nouvelle frontière » qui est devant nous !

Formation, coordination, entre institutions, entre personnels, entre tous les acteurs de santé, transmission aussi qui fait partie du temps de travail, et doivent faire partie de la vision des moyens… Cela implique des droits nouveaux des salariés sur la gestion des hôpitaux (organisation du travail, investissements, embauches, etc.). Vous l’abordez.

Bref une tout autre vision des choses.

Il est donc faux de prétendre, comme l’a déclaré le Président de la République Emmanuel Macron, que « l’hôpital ce n’est pas une question de moyens, mais une question d’organisation ».

Mais si ! Les moyens sont décisifs. Et la pénurie empêche de réfléchir autrement.

C’est une question de moyens ! Mais, bien sûr, pas seulement. C’est aussi une question de sens et une question de pouvoirs, et aussi une question d’organisation.

Deuxième aspect, le financement. Vous dites, très justement : la dette, ce n’est pas son montant qui pose problème, « ce sont surtout ses conditions qui posent problème » ! C’est-à-dire, les charges d’intérêt. Et, j’ajoute, la coupure entre financement des dépenses matérielles et Emploi. Il ne suffit donc pas que l’Etat reprenne la dette… si c’est pour garder les mêmes conditions ! Pour les charges d’intérêt vous préconisez un financement à 0 %, voire négatif, par la Banque centrale européenne (BCE) et en lien avec des créations d’emploi. Cette BCE inonde le pays de liquidités… sans conditions ni contrôle ! Cette solution peut être initiée par la France avec la Caisse des dépôts, dans la suite de notre Rapport annuel sur l’état de la France. Et je la soutiens totalement.

Mais qu’attendent le président et le gouvernement ??

Des ordres de grandeur permettent de voir la profondeur de la transformation qui est à faire et le potentiel… : inversion des règles et priorités dans notre société et ses institutions politiques et financières. Non plus la priorité au capital et au matériel, mais la priorité aux êtres humains et au bien commun, accompagnés par l’argent et le matériel, et non l’inverse.

IL faut savoir qu’avec plus de 800 million d’euros, les charges d’intérêts des hôpitaux publics représentent plus que leur déficit annuel !

Un deuxième ordre de grandeur : Il faut créer 100 000 emplois dans les hôpitaux disent les personnels.

Troisièmement, votre avis, pour lequel je voterai, porte l’idée de ne pas penser « la santé contre l’économie » ou « l’économie contre la santé ».

Vous avancez l’idée d’un autre hôpital parce qu’on prendrait l’économie autrement. Et, précisément, la façon actuelle de prendre l’économie a transformé ce qui aurait pu rester une pandémie en une véritable crise sanitaire et une crise économique aussi profonde.

On écrase les dépenses en prétendant les « maîtriser ». L’austérité partout fait des morts, à présent ! Au lieu d’être maîtres nous sommes esclaves, esclaves du « moins de dépenses pour les services publics et l’emploi ». Esclaves de l’austérité et de la rentabilité financière, car il y a la prédation du capital.

Cela devra changer. Ceux qui font tenir le pays debout doivent avoir plus de pouvoirs et on doit développer leurs moyens.

J’ai d’ailleurs lancé une pétition sur change.org qui a recueilli plus de 100.000 signatures, « de l’argent pour l’hôpital pas pour le capital », je vous invite à la signer (https://www.change.org/HopitalPasCapital).

Enfin, la démocratie. Besoin absolu !

Vos propositions de démocratie sanitaire mettent en cause les ARS. Vous préconisez un moratoire sur les fermetures (de lits et d’hôpitaux). Vous insistez sur le besoin de co-décision, avec les personnels de santé, avec les patients, et bien sûr les habitants et leurs représentants élus. Co-decision sur la gestion mais aussi des éléments de prévision et de planification. Sur la base de critères précis, non technocratiques, vous en proposez pour les emplois au lieu de la logique de la T2A, tarification à l’activité.

Cela rencontre le besoin plus large, et qui concerne autant les services que l’industrie, comme celle du médicament, de Conférences permanentes pour l’emploi, la formation et la transformation productive écologique, articulant, besoins, moyens et prise d’engagements par les services publics, entreprises et les banques, avec le suivi démocratique de ces engagements.