Rapport à la commission économique du PCF sur la Sécurité d’emploi ou de formation – 27 mai 2020

Le but de cette réunion est triple :

  • Revenir sur le fond sur la Sécurité d’emploi ou de formation (=SEF) pour se l’approprier, y compris sa logique, et la mettre à jour
  • Faire le lien avec la situation présente, alors que la crise historique décuple le chômage (près de 1 million de chômeurs supplémentaires, alors que les grands licenciements n’ont pas encore eu lieu) et que grandit de toute parts l’intérêt pour l’idée de sécurisation de l’emploi, mais de façon contradictoire, comme l’idée d’un « chômage partiel »…
  • Travailler à outiller la bataille politique, pour une réponse à la crise et une boussole des luttes, et pour faire grandir l’apport communiste à notre société comme à la refondation de la gauche pour une alternative réussie.

Il s’agit de travailler et de penser la SEF dans la perspective de chantiers politiques.

Mon propos s’articulera en 2 grandes parties : en première partie une présentation de la SEF, en seconde partie des pistes pour travailler à des chantiers et batailles politiques de la SEF. Le bras de fer est d’ores et déjà engagé dans notre pays, comme en Europe et dans le monde.

I – Présentation de la Sécurité d’emploi ou de formation (SEF)

1 – Contexte et sens

La sécurité d’emploi ou de formation est un projet communiste, radical et réaliste. Il a été formulé dès 1996 par Paul Boccara, à la suite des grandes batailles de décembre 1995, avant qu’il ne le présente de façon détaillée dans un livre de 2002. Mis en débat dans le parti, il en est devenu ensuite le bien commun dès le xx congrès[1].

Reprise et déformée en tous sens par d’autres, elle nécessite une nouvelle appropriation créative et collective car elle constitue une proposition communiste centrale et une perspective majeure renforcée par la situation actuelle et à l’appui des luttes, comme y insiste notre 38è congrès.

La présenter comme l’ambition d’une Sécurité sociale du 21ème siècle montre à la fois l’ambition profonde, radicale, révolutionnaire, mais peut l’amener à être comprise et récupérée de droite – et  elle l’est parfois – comme  un simple dispositif d’accompagnement social des licenciements (baptisées « transitions professionnelles ») par des indemnités et une formation alibi. Il s’agit au contraire d’un levier pour agir sur les entreprises et sur l’emploi, et d’une perspective révolutionnaire politique et de société d’une nouvelle conception de l’efficacité, et même de la civilisation, de l’émancipation des femmes et des hommes conjuguant travail et autres activités sociales libres, avec la formation qui se situe entre les deux.

Récemment, en janvier 2017, elle a fait l’objet d’une proposition de loi élaborée avec André Chassaigne et déposée à l’Assemblée Nationale pour mener la bataille politique désertée alors par une partie de la direction nationale.

Notre dernier congrès l’a placée au cœur des trois enjeux révolutionnaires comme du projet communiste. Dans la partie « un processus révolutionnaire » (partie 3.2) il insiste sur

« la nécessité d’une révolution des rapports sociaux de production, de consommation et de répartition avec :

• une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises(…) ;

l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, garantissant une continuité de revenu tout au long de la vie, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe. Notre proposition doit alimenter un grand débat au regard des propositions de salaire à vie, revenu universel ou Sécurité sociale professionnelle, suscité par la crise du marché du travail ;

• un nouvel âge de la démocratie à tous les niveaux  (…).

Et ajoute :

« Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État. Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique. ».

Dans la partie sur les propositions (partie 3.3, « porter un projet communiste ») c’est le premier des « objectifs sociaux transformateurs » :

« Nous voulons avancer vers une sécurité d’emploi et de formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Cette proposition prenant appui sur l’aspiration partagée à une formation et à une mobilité choisie, à un travail utile et qui ait du sens, comme sur la nécessité pour la société d’élever le niveau de formation et de qualification pour répondre aux besoins de souplesse et d’adaptabilité de la production moderne.(…) ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l’opposition travail-hors travail (…). Il ouvre la voie à une nouvelle organisation des temps de la vie, donnant à toutes et tous plus de temps pour se former, plus de temps à consacrer à sa famille, plus de temps pour la vie sociale, pour les activités sportives, politiques, syndicales ou associatives. Progresser dans sa construction est inséparable de la défense et de la promotion d’une protection sociale efficace ».

Et par ailleurs, dans la partie 5.1, stratégie et « les bases sociales et politiques du rassemblement » nous insistons sur son potentiel unificateur de tout le monde du travail et de la création :

« À l’opposé de ce travail de division, il s’agit de faire prendre conscience par les luttes et l’éducation populaire qu’ils et elles s’affrontent à la même logique, au même adversaire et combien leurs aspirations ont des besoins communs : (…) « une sécurité d’emploi, de formation et de revenus ».

Avec la SEF, il s’agit de dépasser le marché du travail dans un processus de lutte à partir des exigences objectives (la réalité) et subjectives (exigences des gens). C’est, de façon marxiste, un but formulé à partir de ce qu’expriment les luttes, une sorte de « passage à la limite », dans un processus marxiste d’élaboration d’aller-retour avec le réel.

De quoi s’agit-il concrètement ?

Eradiquer le chômage et la précarité en répondant à trois besoins : (1) besoin de souplesse, pour l’évolution des productions tout particulièrement la transformation écologique et sociale de notre mode de production, (2) besoin de sécurité et aspirations sociétales à une vie émancipatrice dans la maîtrise des temps et de la relation entre travail et hors travail, (2) besoin d’efficacité nouvelle qu’appelle la révolution informationnelle qui met les compétences des salariés, leur créativité en son cœur, et plus généralement rend prioritaires les dépenses de développement des capacités humaines plutôt que l’accumulation du capital financier et matériel.

2- Idée de base et caractéristiques

L’idée de base de la SEF est que chacune et chacun se verrait assurer soit un emploi, soit une formation débouchant sur un emploi, un meilleur emploi que le précédent, dans une sécurité de revenu, et un progrès de celui-ci, et une liberté de choix.

On peut relever 9 caractéristiques du projet, qui renvoient à des droits, des libertés et des principes :

  • Sécurité : le droit à la sécurité de revenu et à la maîtrise des sécurités, au lieu de l’insécurité aliénante du marché du travail liée à la fois au chômage, au revenu précaire et au ballotage d’un emploi à l’autre, et même d’un poste à l’autre au gré des restructurations, dans les entreprises et même dans la fonction publique. Cette question de la sécurité est fondamentale. On pourrait même présenter la très longue histoire des civilisations humaines, de l’hominisation, comme une longue marche vers la sécurité, ou les sécurités fondamentales, au contraire de la précarité sauvage dont Laurence Parisot, ancienne présidente du MEDEF avait fait l’éloge. Nous devons prendre cette aspiration de façon offensive. Ne laissons pas cette aspiration à ceux qui la pervertissent, à l’instar des « va-t-en guerre » qui pervertissent la grande aspiration humaine à la paix. Sécurité s’oppose radicalement à précarité et à flexibilité. L’aspiration à la sécurité renvoie au besoin de toute une construction sociale de pouvoirs par des institutions, des règles et des droits personnels et collectifs, des moyens hautement socialisés, un progrès économique, avec la recherche d’une autre efficacité, mais aussi un progrès de civilisation.
  • Mobilité : le droit à la mobilité entre emploi et formation, entre emploi et un emploi différent jugé meilleur (y compris par un changement de trajectoire), entre travail et autres activités sociales que le travail. Une mobilité maîtrisée, en lien avec la sécurité et les droits. C’est l’idée de la possibilité de dépasser les enfermements et certaines aliénations.
  • Pouvoirs nouveaux face aux marchés financiers : des pouvoirs sur la définition des productions, sur les décisions d’investissements, sur l’organisation du travail, mais aussi en amont sur les décisions de recherches, et bien sûr sur l’utilisation des fonds. Ce sont à la fois des droits et des libertés nouvelles.
  • Efficacité nouvelle : une efficacité par les qualifications, par les recherches, par l’emploi, par l’emploi de qualité, par le partage des coûts contre l’accumulation du capital, conter le coût du capital et les monopoles financiers. Car la formation, la créativité pour le développement de l’information deviennent fondamentaux. Appuyés par la sécurité qui est fondamentale, ils devraient commencer à prédominer pour une nouvelle efficacité. Une efficacité qui élargi l’ensemble du « gâteau » produit, qui est le revenu global à se partager, au lieu de s’intéresser au seul profit égoïste.
  • Liberté nouvelle : une liberté de se former, de se développer soi-même, une liberté de réduction du temps de travail, d’autres activités sociales émancipées du marché du travail, mais en articulation avec celui-ci : un peu comme dans la magnifique formule de Marx qui explique que la liberté c’est au-delà de la nécessité « imposée de l’extérieur » de travailler pour produire des moyens d’existence, donc elle est au-delà du travail au sens où nous l’entendons, mais qu’elle ne peut s’épanouir que les pieds dans la glaise, dans  le « royaume de la nécessité ».[2]
  • Levier : un levier d’intervention et d’action sur le couple entreprises-banques. La SEF, c’est un levier d’action sur les entreprises et les banques, cœur du pouvoir du capital et de sa logique, un levier appuyé par des pouvoirs sur l’argent, par des institutions nouvelles dans les territoires et au niveau national et par des services publics transformés.
  • Services publics : Des services publics dans une conception nouvelle, en appui à la sécurisation et à l’intervention. Je pense tout particulièrement à trois  services publics : un service public de l’emploi et de la formation (SPEF), le service public de la monnaie et du crédit, le service public de la statistique de la prospective et du suivi économique et social. Le SPEF n’existe pas, en réalité. On a le service public de la formation professionnelle d’un côté, celui du chômage de l’autre. Il faudrait vraiment le développer et le transformer profondément et qu’il agisse en appui aux gens et à leur sécurisation (en partant de pôle emploi, la formation continue, l’inspection du travail, etc.). Le service public de la monnaie, avec la création monétaire, les banques publiques existantes et des banques à nationaliser, doit devenir très important  et il y a celui de la fiscalité sur les entreprises, qu’on pourrait considérer comme un service public de l’action sur les entreprises (y compris le suivi des aides, etc.).
  • Dignité et insertion : c’est l’idée de promouvoir l’emploi, ainsi que l’emploi digne et de qualité pour chacune et chacun. En effet, le plein-emploi, notion keynésienne, ce n’est pas l’emploi pour toutes et tous, et on ne se préoccupe pas de son contenu. La SEF au contraire, c’est une responsabilité pour une égale dignité et pour que chacune et chacun ait un emploi, et progresse : insertion des jeunes, faire reculer le sous-emploi des femmes, avec des temps partiels imposés, etc. Il s’agit de toutes et tous, quel que soit le genre, la génération, l’origine présumée ou assignée, ou encore la différence physique (handicap, notamment).
  • Démocratie : Il s’agit des conférences territoriales, puis régionales et nationales, sur lesquelles je vais revenir.

On pourrait ajouter la dimension internationale que je ne développerai pas pour l’instant

3 – Portée

La SEF articule émancipation personnelle (notamment par la formation, mais aussi par un travail plus digne et mieux maîtrisé) et contribution à la société, à son développement par son travail, par la participation à la production, mais aussi par les activités créatrices. D’une certaine façon, on va au-delà du communisme de nos anciens, parce que la société est plus développée. Par exemple d’une certaine idéologie rugueuse qui s’est développée en Union soviétique et qui tend à réduire la personne à sa contribution à la société par son travail.

Là, nous pouvons poser la question d’un communisme plus ambitieux et plus moderne. C’est aussi parce que nous ne sommes pas dans les mêmes conditions historiques que l’arriération russe, voire que la France des années 1950 !

La SEF prend au sérieux la possibilité ouverte par la révolution informationnelle que  « le libre développement de chacun devienne la condition du libre développement de tous ». En tous cas, d’aller en pratique vers cette définition du communisme par Marx.

La SEF, c’est de nouveaux droits et une nouvelle liberté, dans l’efficacité et grâce à l’efficacité. Il faut insister sur la liberté. Il s’agit de sortir le travail et l’emploi – ainsi que la production – de la domination du capital. Bref, d’engager le dépassement du marché du travail.

Voyons bien en effet que la sécurité s’oppose à la précarité fondamentale du marché du travail capitaliste où tout salarié (à l’exception notable des fonctionnaires[3]) est fondamentalement précaire, il peut être licencié. C’est lié au fait de le réduire à une marchandise, la force de travail, que les employeurs achètent ou non, et peuevnt rejeter dans le chômage. Cette précarité serait supprimée. Avec la formation rémunérée et choisie, la SEF s’oppose aussi au maintien des travailleurs dans un statut subalterne, et à l’alternative fermée entre travail et chômage. La SEF s’oppose aussi aux monopoles de pouvoir du capital sur l’organisation du travail, la direction des entreprises les moyens de financement car les travailleurs disposeraient de pouvoirs d’intervention nouveaux dans les entreprises et de pouvoirs de saisine du crédit bancaire. Paul Boccara considérait même la SEF dans la perspective d’un dépassement du travail lui-même comme « forme historique aliénée des activités créatrices, qui sont le propre des êtres humains, pour des activités sociales de créativité maîtrisées par chacun ».

4- Fonctionnement

Comment serait assuré le revenu ?

Il faut d’abord revenir sur un point. Il faut distinguer le salaire et les autres revenus, comme les allocations formation.

Le salaire c’est la contrepartie monétaired’un travail prescrit par un employeur, tandis que le revenu qu’on touche c’est plus large que le salaire et cela peut être sans contrepartie. Un revenu qui n’est pas du salaire c’est, par exemple, les allocations formation, les aides sociales qui sont de la redistribution prise sur une production faite par les travailleurs.

Dans toutes les sociétés, les travailleurs produisent plus que ce dont ils ont besoin pour eux, individuellement. Dans le capitalisme, c’est le capital qui a le pouvoir sur ce qu’ils produisent en plus de leurs besoins, la plus-value. Et une grande partie va en profit. Mais dans notre société, qui est quand même très développée, le CMES (capitalisme monopoliste d’Etat social) en crise, le capital a dû faire la part du feu et cette valeur supplémentaire est déjà mixte, même si le capital la domine. Ce revenu supplémentaire est mutualisé, pour une part importante, en cotisations sociales ou va aux services publics, etc.

Explication :

Le revenu global est produit[4]. Le travail produit tout le revenu à la fois la valeur du salaire du travailleur et une valeur supplémentaire, la plus-value. Dans notre société très développée – le CMES (capitalisme monopoliste d’Etat social) en crise – une partie de la plus-value va aux titulaires de capitaux, elle devient du profit, une autre partie va à d’autres revenus, par les cotisations sociales, etc. qui sont une prise sur la plus-value contre le profit. C’est pourquoi la bataille pour l’extension des autres revenus est une bataille de classe, c’est pourquoi dans le même temps elle nécessite la production de ce revenu par le travail, et son extension. Il ne faut pas confondre les deux, comme le fait allègrement par exemple Bernard Friot. On ne comprend plus rien et on perd le sens de la bataille politique.

Dans un système de SEF, le salaire serait assuré par l’entreprise ou l’employeur (Etat, collectivité publique, etc.). Le revenu autre serait financé par le nouveau système, notamment à partir de cotisations sociales mutualisées, de nouveaux prélèvements, d’une contribution possible de l’entreprise et d’éventuelles avances par un Fonds de sécurisation de l’emploi et de la formation.

Le système développe le revenu global produit sur lequel est prélevé le revenu versé. Car la formation améliore l’efficacité et les droits d’intervenir sur les investissements, la production, l’utilisation des fonds permettent de viser cette croissance du bon revenu, au lieu de l’intoxication de la croissance par le profit et le cancer financier.

Il faut bien se rappeler que le revenu global n’est pas un gâteau existant, il faut le produire, pousser son élargissement, même si on peut un temps avancer des revenus par la création monétaire en attendant d’avoir produit ce qui a été avancé.

Le travail que nous avions réalisé pour la proposition de la loi « Chassaigne » sur la SEF déposée en 2017, juste avant la présidentielle, contenait différents éléments de mise en pratique. J’en donnerai quatre ici.

Premièrement, la sécurisation du contrat de travail, en instaurant une double affiliation pour tous : un contrat de travail sécurisé avec l’employeur, de type CDI très amélioré et une convention de sécurisation avec le service public de l’emploi et de la formation donnant doit à une formation avec un revenu maintenu, si l’on s’engage dans un projet d’emploi ou de formation, et un appui à la sécurisation. Ceci pour toute personne décidant d’entrer sur le marché du travail.

Deuxièmement, pour les jeunes, d’une part un quota de 10% d’embauche de jeunes de moins de 25 ans par toutes les entreprises, indispensable si l’on veut sortir de cette exclusion massive de la jeunesse hors emploi sécurisé. Ce quota d’embauche se ferait avec les mêmes conditions de salaire que les autres travailleurs, pour ne pas les opposer entre eux, et avec des contrats double de type CDI + droit à la formation. D’autre part une allocation d’autonomie-formation, pour les jeunes scolarisés, avec une partie fixe et une partie progressive calculée en fonction des revenus du foyer de rattachement

Troisièmement, les restructurations et licenciements économiques. Des droits nouveaux pour des solutions et projets économiques alternatifs, sans suppressions d’emploi : droit de moratoire suspensif des licenciements, droit d’examen de la situation et des comptes de l’entreprise ou du groupe, droit de contre-propositions s’appuyant sur l’emploi et les compétences en baissant les prélèvements du capital, et partageant les coûts, droit de saisine du pôle public bancaire et financier, avec un Fonds de sécurisation de l’emploi et de la formation.

On peut prendre l’exemple de l’automobile en cours. Il y a débat : faut-il dire on ne change rien ? Ou plutôt : sécurisation des emplois, mises en formation, nouvelle production, recherche, s’appuyer sur les capacités des femmes et des hommes et sur les territoires pour cette nouvelle production, et dans le même temps responsabilité des constructeurs automobile pour cette sécurisation ! C’est un tout autre message : nous sommes pour des transformations, mais pas du tout celles du capital et des marchés financiers, guidées par une logique de « l’argent pour l’argent ».

Quatrièmement, des conférences régionales de l’emploi et de la formation avec des représentants des travailleurs, des élus, des associations, des représentants des entreprises, des services publics de l’emploi et de la formation, fixant des objectifs annuels chiffrés d’emplois et de mises en formation. Elle débat de l’efficacité des politiques d’emploi et des pratiques des entreprises. Elle peut saisir un Fonds régional pour l’emploi et la formation (FREF) à l’appui de la réalisation des objectifs d’emploi qu’elle se fixe.

5- Le débat politique

La SEF s’oppose à la flexi-sécurité objectif majeur de l’UE, laquelle flexi-sécurité a sa version de droite et « de gauche », de Macron à la CFDT. La flexi-sécurité, c’est faciliter les licenciements en contreparties de petites sécurités très limitées. Les licenciements sont pris comme une donnée qu’il faudrait accepter, puis accompagner plus ou moins, selon son degré de social ou de libéralisme. De nombreuses voix à EELV sont aussi en faveur de la flexi-sécurité.

Il y a un lien très fort avec l’utilisation actuelle des dispositifs de chômage partiel, et surtout avec la bataille politique et sociale sur la perspective qu’on donne à ces dispositifs.

Elle prend acte cependant de l’importance nouvelle à accorder à la formation, de même que les dispositifs de chômage partiel prennent acte du fait qu’il faut préserver les salariés, tout particulièrement dans leurs compétences et savoir-faire. Mais le fondement de flexibilité par-dessus tout qui est au cœur de la flexi-sécurité, dont l’acceptation des licenciements fait partie, mine l’ensemble.

La SEF s’oppose aussi aux rigidités et gâchis des garanties autoritaires d’emploi tels qu’il en existait jadis en Union soviétique.

Il faut voir aussi le débat à gauche.

Nous partageons deux objectifs : un revenu pour tous et la possibilité d’un travail pour tous (ce n’est pas la même chose que tous au travail !! qui ressemblerait gravement au travail obligatoire…).

Il y a d’abord le « revenu d’existence » de Benoît Hamon. Nous partageons l’idée d’un revenu pour tous, y compris sa dimension philosophique. Mais avec cette proposition, le revenu est totalement coupé du travail et de l’emploi, cela enferme dans un ghetto qui s’oppose à l’aspiration à la dimension de dignité et d’apport à la société que contient le travail. En outre on ne se préoccupe pas de produire le gâteau à partager et encore moins de l’étendre. Ce revenu risque donc, comme beaucoup l’ont remarqué d’être surtout un minima social car on reste dans la pure répartition de la richesse produite. Et d’ailleurs, la première étape proposée, récupérée en outre depuis par Macron, consiste en une reconversion-fusion des minimas sociaux existants. Enfin, cette approche partage l’idée d’une fatalité de la baisse du volume d’emplois, de la raréfaction technologique de l’emploi. Et donc elle nourrit l’idée de l’acceptation des licenciements.

De son côté, Jean-Luc Mélenchon a avancé la proposition de « l’Etat employeur en dernier ressort ». C’est l’idée que l’Etat embauchera tous les chômeurs, qui n’auront pas été embauchés autrement. Présentée comme très keynésienne et avec l’apparence de radicalité que sait bien mettre Mélenchon, c’est en réalité déresponsabiliser totalement les entreprises et le patronat, aussi bien sur les licenciements que sur le volume d’emploi, ou encore sur la qualité des emplois. C’est ce qu’a bien expliqué Denis Durand dans son article, toujours d’actualité, publié en 2017 sur Médiapart : « Mélenchon, le problème c’est le programme ». En outre, cette proposition, hyper étatique, ne tient pas la route économiquement : d’où l’Etat tirerait les moyens financiers d’embaucher les chômeurs ? et si c’est par création monétaire, comment produire les richesses correspondant à cette création monétaire ? Il faut former, investir. Donc se poser la question des entreprises (leurs critères de gestion et les pouvoirs sur les entreprises) et de la formation, du lien formation emploi. On y revient nécessairement ! On L’évolution des activités, la conception de l’efficacité sont des questions politiques majeures qu’on ne peut pas éviter. Mais Jean-Luc Mélenchon a souvent déclaré : « laissons les patrons faire ce qu’ils savent très bien faire : gérer » !… Je ne ferai pas de commentaires.

Un peu dans la même veine, on a la proposition de « salaire à vie » portée par le sociologue Bernard Friot. L’idée est la suivante : un salaire tout la vie, financé par des cotisations sociales, car toute activité est un travail. Sous une apparence simple, c’est un ultra-simplisme. Confondre salaire et revenu revient à dire aux licenciés de l’automobile qui vont toucher une allocation (un revenu) après leur licenciement : « Vous touchez votre allocation, on va dire que c’est un salaire et que votre activité est un travail, et vous toucherez votre allocation toute votre vie. » Dans ces conditions Pourquoi se battre pour un emploi ? ». Non seulement c’est totalement à côté des luttes et exigences, mais en plus cela ne tient pas la route. Il faut bien distinguer travail, qui produit des valeurs sociales permettant de financer (par des cotisations ou autres) le revenu de ceux qui ont une autre activité ! Et il faut développer l’efficacité, par la formation, la recherche et l’investissement efficace.

Enfin, parmi les formations qui se réclament de la gauche, on continue à trouver la notion de flexi-sécurité : sous forme d’un « accompagnement sympa » des chômeurs… Par exemple chez EELV ou du côté du PS. L’idée, que l’on peut même retrouver parfois chez nous, est de travailler sur les reconversions en responsabilisant le service public de l’emploi… tout en prenant les licenciements pour une donnée et sans agir sur les entreprises. Ainsi, une première version de proposition de loi (PPL), intitulée « garantie salaire-formation » nous avait été soumise par notre camarade député Pierre Dharréville qui allait tout à fait en ce sens : face à des licenciements, on met une allocation qui maintient le salaire pendant 2 ans, mais on ne maintient pas le contrat de travail, on accompagne par pôle emploi avec de la formation. Mais qu’est-ce qu’on fait s’il n’y a pas d’emploi au bout ? Il faut au contraire impliquer les entreprises, les responsabiliser dans la création d’emploi pour des productions efficaces et utiles dans les territoires, tout en mobilisant certes pôle emploi. Des restructurations sont nécessaires, des évolutions profondes des productions, mais c’est au contraire en s’appuyant sur l’emploi et en faisant levier sur les entreprises pour un autre type d’investissement et de production qu’on en relèvera le défi. C’est d’ailleurs le sens des batailles en cours, que ce soit à Renault, à General Electric, à Alstom, à Air France ou ailleurs. C’est en ce sens que nous avons proposé de modifier la PPL, et en y ajoutant un 4è article créant des conférences territoriales, régionales et nationales « pour la sécurisation de l’emploi et la formation et pour la transformation écologique et sociale ».

La SEF est un levier d’action sur les entreprises et les banques, pour qu’elles suivent une autre logique que celle des marchés financiers et du taux de profit des capitaux. Cela veut dire qu’il faut assumer une forme de conflictualité. Certes, il ne s’agit pas d’entrer dans une logique de « tout ou rien », notamment avec les autres forces de gauche, mais de voir la nécessité d’une cohérence minimale et d’une certaine radicalité pour être au niveau des exigences objectives.

L’enjeu du débat à gauche, comme des luttes politiques ou sociales dans le pays c’est : mettre à l’appui de l’objectif social d’un emploi et d’un revenu sécurisé des moyens à la hauteur (argent, formation, services publics) et des pouvoirs adéquats exercés par des institutions nouvelles, notamment sur l’utilisation de l’argent par les entreprises et les banques (et par l’Etat employeur).

6- La logique économique profonde

On l’a dit auparavant. Il s’agit juste ici de récapituler les choses. La logique économique profonde c’est celle de répondre au défi de la révolution informationnelle. A savoir le défi d’une nouvelle efficacité reposant prioritairement sur les capacités humaines, leur développement, la créativité, qui développent l’information par contraste avec la révolution industrielle où l’efficacité reposait sur le développement des machines ou équipements matériels. C’est pourquoi les choses doivent commencer à se retourner : l’emploi, les dépenses de qualification, de recherche, les services publics (porteurs de partage), doivent commencer à prédominer. On ne veut pas voir la révolution qui pousse avec la révolution informationnelle qui exige une révolution dans les rapports sociaux de production, de circulation, de répartition du revenu, et de consommation.

La base de la logique économique qu’elle porte est : le développement des capacités humaines devient prioritaire, le partage des coûts le plus large doit être favorisé au lieu des concurrences et doublons[5]. Il s’agit donc de pousser les dépenses nouvelles d’efficacité – capacités humaines – et les partages, contre le coût du capital et la concurrence avec ses accumulations financières pour le monopole des informations.

Prenons par exemple le médicament, une fois un médicament mis au point par les recherches, il faut en partager la formule (les informations) pour en étaler le coût sur la production la plus large, plutôt que de doublonner, dupliquer les formules, ou que de se lancer dans de coûteuses opérations prédatrices de rachats financiers d’entreprises.

Qu’est-ce qui empêche d’aller vers cette logique nouvelle ? C’est la domination du capital : sa logique, ses prélèvements (coût), ses pouvoirs. Sa logique, c’est la rentabilité financière à tout prix y compris contre la valeur ajoutée et toute la production. Ses prélèvements, son coût, ce sont les dividendes, les remboursements d’intérêts, les accumulations financières. Ses pouvoirs, c’est le pouvoir de décider des investissements, des embauches, des productions, des formations et, même, des recherches à engager. Il l’exerce parce que le patronat dispose du monopole de l’utilisation de l’argent : dans le capitalisme, c’est le capital qui est primordial !

  • On pourrait montrer comment, dans l’analyse théorique qui sous-tend leur idéologie, les travailleurs et leur travail ne produisent pas l’ensemble des richesses mais ne sont qu’un coût qu’il faut diminuer au maximum. Alors que dans la réalité, comme dans l’analyse marxiste, les travailleurs créent les richesses par leur travail, les machines et équipements démultiplient la puissance du travail, et l’entreprise assure la coordination productive de collectifs de travail nombreux et diversifiés.

Plusieurs leviers financiers sont mobilisés dans la crise : les cotisations sociales, les dépenses publiques, la BCE et sa création monétaire. Ne manquent que les profits des entreprises et les banques. Ainsi les dépenses de chômage partiel sont financées par les cotisations sociales et des dépenses publiques de l’Etat, l’Etat offre une aide en garantie pour les prêts bancaires, la BCE met 1.050 Md€ de rachats de titres et refinance sans difficulté les banques (pour plusieurs milliers de milliards d’euros..).

Monte l’idée de préserver le potentiel humain, mais uniquement en le mettant « sous cloche », sans conditionner les aides aux entreprises, en opposant les cadres aux ouvriers, etc.. Et ainsi la déferlante de suppressions d’emplois et de chômage a commencé. Avec près d’un million de chômeurs en plus !! Toutes ces dépenses sont faites sans préparer l’avenir, sans les « activer » par des mises en formation, l’engagement de recherches, de reconversion, de nouveaux investissements, etc.

7- Dépassement du marché du travail

Un dernier mot de théorie sur le marché du travail et son dépassement. Le dépasser, de façon révolutionnaire, donc une abolition réussie, cela veut dire prendre son rôle, sa fonction au sérieux.

Son rôle, c’est d’organiser les mobilités. Et ceci pour permettre deux choses : la baisse des coûts et la « redistribution » des activités, le changement des activités.

Mais il le fait de façon violente, en jetant les femmes et les hommes au chômage, en les traitant comme des marchandises, en cassant leurs capacités.

Dans une vision marxiste, c’est un progrès par rapport au féodalisme. C’est le progrès qu’apporte le capitalisme, à travers des crises. Mais les gâchis et souffrances prédominent très largement aujourd’hui. Il s’agit donc de dépasser le marché du travail, non pas avec un emploi fixe et rigide, mais avec cette sécurité d’emploi ou de formation, dans une mobilité maîtrisée, avec une sécurité de revenu, et en recherchant un progrès de l’emploi et du revenu.

Le marché du travail joue un rôle fondamental dans la régulation économique.

Dans la régulation capitaliste le marché du travail joue de la façon la suivante, en régime normal. S’il y a une baisse de la demande, alors (1) on jette les gens au chômage, l’entreprise s’en sépare, ce qui diminue ses dépenses salariales, (2) on fait des investissements nouveaux, en machines, qui vont déjà tirer eux-mêmes la demande de fabrication de machines et ainsi soutenir l’activité, (3) on redémarre avec des productions nouvelles sur une base plus large et donc on ré-embauche, éventuellement de nouveaux arrivants. C’est ainsi que le capitalisme se développe et développe l’emploi, de crise en crise. De nos jours bien sûr cela ne marche que de façon limitée, voire pas du tout, car nous sommes en crise systémique.

Dans la régulation que porterait la SEF, très liée à la révolution informationnelle on aurait les enchaînements suivants. S’il y a une baisse de la demande, alors (1) on diminue le travail et on met les gens en formation (mais ils gardent leur emploi et leur revenu), (2) cela induit une demande de services publics de formation qui soutient l’activité, (3) on engage des recherches, de la R&D, et des concertations pour des productions nouvelles écologiques et sociales, et des investissements d’un type nouveau avec un contenu humain important (investissements immatériels de type reprogrammation des machines, etc.) (4) on redémarre pour des productions nouvelles et les gens passent de la formation au travail, avec éventuellement des embauches nouvelles et de la RTT.

Remarquons que les services publics de formation, voire de recherche, jouent là un rôle fondamental : à la fois pour soutenir la demande mais aussi pour améliorer l’offre.

II. La SEF dans la situation actuelle

Deux mots de la situation actuelle. On a une crise économique terrible, mais pas seulement économique, économique et sanitaire, de façon siamoise, mais aussi une crise écologique, une crise de civilisation et de sens.

Du point de vue économique, avec un recul du PIB estimé à 5% au premier trimestre puis 20% au second, soit -11% sur l’année, on n’a jamais vu un tel recul de l’activité et de la production en temps de paix depuis le milieu du 19è siècle.

En France, le chômage a commencé à exploser, avec 1 million de chômeurs supplémentaires inscrits en catégorie A, à pôle emploi, en deux mois (mars et avril) et ceci dans toutes les régions. Et encore, cette augmentation correspond pour plus de la moitié (600.000) à des fins de CDD ou de missions d’intérim (plus précisément, le passage d’un travail à activité réduite à aucune activité du tout). Les dépôts de bilan et plans massifs de suppression d’emploi ne sont pas encore arrivés. Mais ils ne vont pas tarder, tandis que le chômage partiel concerne 12,9 million de salariés sur un total de plus de 16 millions de salariés des entreprises et banques. Le modèle économique de l’aéronautique et du transport aérien, celui de l’automobile, mais aussi celui du tourisme sont profondément remis en cause. Et le panorama est du même ordre dans le monde, un peu moins pire, économiquement en Allemagne, bien pire, question chômage, aux Etats-Unis.

Justification de la SEF dans les circonstances économiques actuelles

Le besoin la crise. Mais on la pratique à l’envers, comme un chômage partiel, un palliatif négatif, voire une activité partielle de façon refoulée et rabougrie.

Jusqu’ici, nous étions sur fond de crise du capitalisme avec chômage de masse, précarité de l’emploi, de révolution informationnelle.

Mais là, nous avons :

  • Un chômage massif et soudain : que faire ?
  • Plusieurs modèles économiques invalidés : tourisme, transport aérien et construction aéronautique, spectacle vivant
  • On ne peut pas mettre tous les salariés même temps sur les sites de travail, il faut donc organiser des rotations entre travail et non travail
  • D’énormes besoins de formation, très urgents si on pense aux services publics comme l’hôpital-santé et à l’éducation nationale
  • Il faut en même temps conserver les capacités humaines, les savoir-faire pour la suite, pour le redémarrage (discours dominant) mais aussi pour anticiper un autre démarrage

Il faut souligner en outre le double fléau collectif que représentent tous les statuts précaires ou précarisés ainsi que les inégalités sociales et culturelles décuplées, tant à l’intérieur des pays qu’entre les pays avec des enjeux gigantesques concernant le Sud.

Face à ces défis, la SEF peut devenir une perspective majeure, car l’ordre du jour de notre société c’est d’organiser à la fois le maintien d’un revenu, la préservation des capacités humaines, mais aussi leur élévation et leur créativité pour transformer notre modèle productif et de services face à des modèles totalement remis en cause. Tout en produisant, à un moment ou un autre ce revenu. Le lien à l’emploi et à la production est donc incontournable. Il s’agit aussi, dès à présent, d’organiser des rotations massives entre emploi et non emploi, pour limiter la densité afin de diminuer la diffusion du virus.

La SEF peut devenir une perspective majeure y compris pour ne pas qu’on lui substitue une possible « union sacrée » que le patronat va chercher au nom de la prétendue « économie réelle » et de « l’industrialisation » mais uniquement pour conforter ses profits, sa liberté de gestion et faire accepter les licenciements-reconversions présentés comme « inévitables ». La SEF, ce n’est pas mettre en avant le maintien des sites à tout prix. La SEF, c’est mettre en avant l’emploi et les capacités humaines comme le cœur de la reconquête productive, comme fondamentaux si on veut permettre le maintien et le développement des sites. La SEF donne sens et rend réaliste une transformation productive écologique et sociale.

Dépassement pratique des institutions de crise du CME ou exacerbation vers l’ultra-flexibilité ?

La question posée est celle d’un progrès-dépassement des institutions de crise du CMES (capitalisme monopoliste d’Etat social ) telles que le régime d’assurance chômage, le système de chômage partiel, pôle emploi. Mais il peut y avoir envenimement de ces institutions vers une ultra-flexibilité aux ordres et désirs du grand capital financier.

C’est un véritable bras de fer qui s’ouvre. Un affrontement de classe peut-être sans précédent a commencé, y compris au niveau mondial.

Le sens de cet affrontement : c’est le dépassement ou non du marché du travail, par des institutions nouvelles, dans une créativité conflictuelle permettant d’exercer des pouvoirs démocratiques sur l’utilisation de l’argent en faveur de la sécurisation de l’emploi et de la formation pour une efficacité nouvelle. Ce dépassement a pour conséquence que la personne du travailleur.se n’est plus réduite à une marchandise, force de travail, appendice du capital qu’il va rentabiliser, soit en étant au chômage (il pèse alors à la baisse du coût du travail), soit en étant exploité et pressuré, dominé dans sa créativité.

Maniement politique de la SEF

La SEF est fondamentalement une sorte de boussole, un guide pour l’action et les luttes politiques, démocratiques ou sociales.

Même s’il faut voir la logique du système que pourrait constituer la SEF, il ne s’agit pas de proposer un système clés en mains, mais plutôt d’éclairer les batailles, les luttes sur des chantiers concrets, en leur donnant une perspective, en ayant en tête à la fois les obstacles et la nécessité de cohérence à faire monter dans une lutte donnée.

L’idée est de chercher à considérer une lutte donnée, ou possible, comme un chantier de la SEF. Cela permet à la fois de donner un sens au chantier, et de voir les possibles dévoiements ou récupérations réformistes, dus au manque de cohérence (entre objectif, moyens, pouvoirs).

Il faut voir la SEF dans le débat politique comme un apport à notre pays et à gauche pour les idées de transformation sociale. Elle donne un but, comme le fut le grand objectif de la sécurité sociale à la Libération, objectif qui manquait grandement en 1936, et en plus ambitieux encore. Dans le même temps, elle montre la nécessité d’une transformation radicale, c’est-à-dire qui prend les choses à la racine.

Ce n’est pas une proposition « clés en mains » non seulement parce qu’il s’agit de prendre les recherches politique actuel ou les tâtonnements des luttes pour leur donner une perspective. Mais aussi parce que le moment politique n’est pas à faire des plans « à blanc » comme si nous étions au gouvernement ! ou comme si le gouvernement allait appliquer notre plan dans les semaines qui viennent…

Par contre il faut faire comprendre la nécessité de cohérence, au sein des luttes ou dans les échanges politiques, et le besoin d’une vraie sécurisation qui se heurte à la logique du capital, de baisse du coût du travail et de rentabilité financière maximale.

Le principal problème, actuellement, à gauche c’est d’une part le manque d’ambition, notamment sur l’objectif (sécurisation) et l’adversaire (le capital avec la logique duquel beaucoup cherchent à concilier, à biaiser), c’est d’autre part l’absence de véritable responsabilisation des entreprises sur le volume d’emplois et le nouveau type d’investissement et ne pas penser le rôle que devraient jouer les services publics pour appuyer cette action (SPEF et service public de la monnaie, de la dépense publique ou de la fiscalité). Il en découle des propositions d’accompagnement suiviste des licenciements, de pôle emploi « sympa ».

Ainsi la proposition initiale de projet de loi sur les licenciements, que j’ai évoquée plus tôt et qui instaurait essentiellement des contrats de transition avec pôle emploi, se substituant au contrat de travail avec l’entreprise, nous l’avons transformée sur trois points majeurs :

  • Le contrat de transition maintiendrait le contrat de travail avec l’entreprise, au lieu d’accepter la rupture
  • s’ouvrirait une négociation nationale et interprofessionnelle visant à élargir les pouvoirs des salariés sur les choix d’investissements, leurs financements, les choix d’emploi et de formation des entreprises pour sécuriser les parcours professionnels et répondre aux impératifs écologiques (article 3)
  • enfin on créerait de nouvelles institutions : des Conférences régionales et une Conférence nationale « pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale », fixant aux entreprises des objectifs chiffrés d’emploi, de formation et discutant des moyens à mobiliser, avec des pouvoirs de suivi.

(article 4, cf.  Annexe du présent rapport)

Des conférences régionales et nationale pour la SEF et la transformation écologique et sociale : nouvelles institutions

La bataille pour des conférences régionales d’une part et pour relier sécurisation de l’emploi, avec la formation, et avec la transformation productive écologique peut donner un sens et une perspective aux luttes. Elle peut les politiser, d’autant plus qu’il s’agit de créer de nouvelles institutions mettant en cause, non seulement la 5è république, mais surtout deux fondements mêmes du capitalisme : le monopole patronal de l’utilisation de l’argent dans les entreprises, l’emploi sécurisé et la formation comme levier d’efficacité et non comme un solde, un résultat aléatoire s’ajustant à toutes les autres contraintes.

La composition de ces conférences serait à travailler, tout particulièrement dans leur équilibre pour que le monde du travail n’y soit pas en position de faiblesse. Elles seraient devraient comprendre des représentants des salariés (par leurs organisations syndicales), des élus représentant les habitants,  des associations (de chômeurs ou de jeunes notamment), des représentants du patronat (y compris les PME/TPE et l’artisanat), les représentants des banques et institutions financières et ceux des services publics y assisteraient. Au niveau régional, il faudrait peut-être des représentants salariés et dirigeants des principaux grands groupes implantés dans la région ? Pour être mieux ancrées dans la vie des territoires les conférences régionales pourraient être convoquées sous du conseil régional et du CESER.

Ces conférences définiraient des objectifs chiffrés, de production, d’emploi et de formation. Elles définiraient des objectifs d’investissement et de mise à disposition de ressources (fonds publics et crédit bancaire) en lien avec les institutions publiques et la création monétaire. Elles pourraient avoir un droit d’appel au crédit bancaire des institutions publiques. On peut batailler par exemple sur les 1.000 milliards d’euros de création monétaire de la BCE pour la zone euro, dont 160 milliards devraient être des achats de titres publics à la France… Cela fait beaucoup ! Ou encore tout le refinancement des banques par la BCE (environ 3.000 milliards) qui actuellement ne respecte pas une sélectivité emploi ou écologie.

Ces conférences auraient aussi un droit de suivi avec une modulation des aides et de la bonification du crédit bancaire, pénalisante si les engagements ne sont pas respectés. Les comités sociaux et économiques (CSE successeurs des CE), ou les délégués du personnels quand il n’y a pas de CSE, pourraient saisir les conférences si elles considèrent que les engagements ne sont pas respectés.

Des chantiers à identifier et à travailler

En réalité, une fois qu’on s’est mis d’accord sur le fond, il faut partir des exigences et des batailles concrètes en les considérant comme autant de chantier implicites de la SEF. On pourrait parler de « chantiers pour de nouvelles sécurités de vie ».

J’ai essayé d’en identifier quelques uns.

  • Licenciements-restructurations

Plusieurs secteurs sont d’ores et déjà immédiatement concernés : l’automobile, l’aéronautique-transport aérien, la filière énergie (General Electric avec EdF, le CEA et d’autres), les transports ferroviaires (Alstom et SNCF), ou bien sûr la pharmacie avec la grande question d’un pôle public du médicament, mais peut-être aussi le commerce-distribution.

Il faut faire le lien avec l’enjeu d’une nouvelle industrialisation, une nouvelle conjugaison entre industrie et services non prédateurs, et une autre mondialisation, de co-production et de partage. Je propose d’ailleurs de parler de maîtrise des localisations et de développer le « site France », car le terme « relocalisation » peut laisser entendre qu’on va se faire enrôler dans la guerre économique pour retirer des implantations dans des pays du Sud ou de l’Est. En outre, cela fait l’impasse sur le besoin de partage des coûts, notamment les coûts de recherche et de mise au point, mais de façon non prédatrice : il ne s’agit pas d’avoir des localisations d’assemblage en France avec des salaires de misère car les brevets et R&D sont localisés ailleurs, et pompent la valeur ajoutée industrielle.

Il y a des différences importantes d’une filière à l’autre, bien sûr, mais l’entrée importante commune à ces différents cas pourrait être, je crois, « s’appuyer sur l’emploi, les compétences bien rémunérées pour développer les sites avec de nouvelles productions ». Nous voulons restructurer tout l’appareil productif, mais au bénéfice des gens dans les territoires et de la planète. Pour cela, il ne faut pas commencer par jeter les gens et mobiliser tous les moyens.

  • Services publics

J’en prendrais deux, l’hôpital et l’Education nationale. Et de façon très schématique.

Pour l’hôpital, il faut certes des embauches, mais il y a deux énormes enjeux de SEF. D’une part la formation, car il n’est pas du tout sûr qu’il y ait 100.000 personnels formés disponibles il faut donc embaucher, puis former, en organisant une alternance viable, dans la continuité de revenu, entre périodes de formation et situations de travail, et une mobilité ascendante d’une situation de travail à l’autre (brancardier.e, aide-soignante, infirmière, par exmeple) (sans compter les 300.000 revendiqués pour les EHPAD). D’autre part il y a un énorme enjeu de pouvoirs des soignants et usagers dans l’hôpital face à la technocratie.

Pour l’Education nationale, je serais encore plus court. Si il faut durablement faire cours avec des effectifs divisés par deux, et si on veut récuser la privatisation, comme l’ultra-individualisme, porté par le télé-enseignement à tous crins Alors il faut, grossièrement, moitié plus d’enseignants, et de même pour tous les autres personnels. Or, il est évident qu’il n’y a pas autant d’enseignants formés disponibles ! Il faut donc là aussi organiser tout un chantier considérable de formation-emploi-qualification dans l’urgence.

Réfléchissons un instant aux ordres de grandeurs. Si on considère que sur les 160 milliards de la BCE, la moitié peut aller aux services publics cela fait quand même 80 milliards… ! Donc peut-être 10 à 15 milliards supplémentaires dans chacun de ces secteurs. Cela change la façon de réfléchir et pourrait permettre d’oser voir les choses vraiment en grand.

  • Jeunes en formation et jeunes entrants sur le marché du travail

La question des jeunes en formation va prendre de plus en plus d’importance au fur et à mesure qu’on sortira du confinement.

Il y a d’une part ceux qui sont en fin d’études d’autre part ceux qui sont en formation.

Pour ceux les nouveaux entrants sur le marché du travail et nouveau diplômés, on devrait avancer tout de suite vers un contrat CDI + droit à la formation avec maintien de revenu pour compléter leur cursus, car il s’est fini dans des conditions très dégradées et même si il faut accorder le diplôme ils doivent avoir droit à  3 ou 6 mois de formation complémentaire, sans perdre leur emploi. Sinon beaucoup d’employeurs vont refuser d’embaucher cette cohorte de diplômés. C’est très grave. De façon plus générale, ce type de contrat CDI+formation doit concerner tous les jeunes, même ceux arrivant sans diplôme. Nous proposons en outre, d’instaurer un quota de 10% de jeunes dans les nouvelles embauches, comme nous l’avions inscrit dans la PPL « Chassaigne » de 2017.

Pour les jeunes en formation initiale, nous voulons avancer vers une allocation d’autonomie, en principe pour tous, et pratique en commençant par un fixe pour tous les jeunes de moins de 25 ans dans un parcours d’étude ou d’insertion, complété par une partie supplémentaire dépendant des revenus du foyer fiscal de rattachement.

  • Chômage partiel

Il y a tut un chantier qu’il nous faut travailler en urgence sur le chômage partiel. Il traverse les différents chantiers (aussi bien les grandes entreprises, que les PME ou les travailleur.ses précaires). Il concerne à la fois la rémunération (100% du salaire, au lieu de 86%), le financement de celle-ci (pour l’instant cotisations sociales + abondement Etat) son déficit à venir[6], mais aussi les conditions mises envers les entreprises pour qu’elles soient éligibles au chômage partiel et donc les droits collectifs des salariés, exercés à travers les CSE, à bénéficier du chômage partiel (certains groupes tels Bouygues apprenant qu’il leur fallait renoncer aux dividendes ont décidé de basculer leur salariés en télé-travail,…), et enfin, surtout, la transformation du chômage partiel en allocation-formation pour un certain nombre de salariés et l’élaboration collective de ces formations.

Il y aurait bien sûr aussi un chantier indemnisation du chômage, un énorme chantier PME, avec la grande question des banques qui les étranglent bien souvent, un chantier monde du spectacle et intermittents du spectacle, un chantier filière et emplois du Tourisme.

Faut-il penser un chantier « nouvelle industrialisation de la France » ou est-ce une entrée du chantier « licenciements-restructurations » ?

Pour le chantier PME, nous pourrions travailler la question de façon très territoriale, en lien avec les municipales et notre proposition de CESEL (comités économiques et sociaux locaux), en mettant la pression sur les banques et interpelant les banques publiques (banque postale, BPI) ou le secteur mutualiste. C’est aussi un sujet qui peut permettre de préparer les élections régionales.

Tout cela constitue autant de chantiers de lutte, mais aussi de travail pour notre commission avec les autres commissions du CN concernées, ou avec d’autres organisations proches (la JC notamment).

Si le COVID dure, au final tout le monde, tous les secteurs d’activité devraient se dé-densifier. Et donc l’organisation de rotations réalistes entre emploi et non-emploi, et non pas l’obligation du télétravail, va se poser pour toutes et tous.

  • Cohérence et bataille d’idées pour politiser les luttes

Plus généralement la formation et le calibrage de la formation, les droits sur l’élaboration des projets  productifs (des formations au service de quel projet productif ?) sont fondamentaux pour préparer une tout autre production, écologique et sociale. Qu’on pense même à l’isolation thermique des bâtiments, qui demande de former énormément de personnes. Peut-être pourrions-nous considérer la reconversion écologique comme un chantier de la SEF en soi, bien qu’il concerne tous les secteurs. Tout du moins il peut en constituer une « entrée ».

Il y a là une bataille d’idées en perspective dès à présent et qui va monter durant l’automne.

La politisation des luttes n’est pas évidente. C’est une question sur laquelle tout le parti devrait s’affûter, échanger et réfléchir. Elle réside bien plus dans la bataille pour des institutions nouvelles agissant sur les entreprises et l’utilisation de l’argent, la dénonciation de ce que font et ne font pas les institutions et pouvoirs existants, ainsi que sur l’exigence de cohérence, que sur la nécessaire présence de notre étiquette politique et l’affirmation, tout aussi nécessaire, de nos propositions.

Il nous faut donc aborder le terrain avec :

  • le souci de porter une cohérence et un sens. La cohérence, c’est celle entre l’objectif de sécurisation, au sens plein et fort, moyens financiers et pouvoirs démocratiques. Le sens, c’est celui d’une efficacité nouvelle favorisée par une priorité à d’autres dépenses que celles pour le capital, celles pour les êtres humains, et par le partage des coûts
  • une bataille constante pour des institutions nouvelles démocratiques, à partir des territoires, portant cette cohérence et levier d’une nouvelle efficacité, en lien avec les services publics, c’est cela qui est révolutionnaire
  • se donner les moyens politiques d’agir sur les entreprises et les banques, c’est la question politique majeure à laquelle est confrontée notre société

Les moyens financiers à mobiliser pour favoriser les dépenses nouvelles et le partage, nécessitent de s’attaquer au coût du capital et à sa logique de rentabilité financière : emploi et valeur ajoutée, au lieu d’accumulation et profit. Ils sont de quatre ordres :

  • Cotisations sociales (y compris leur modulation), dont le chômage partiel fait partie
  • Capital et profits des entreprises, avec (a) un impôt sur les bénéfices incitatif à la production de VA et à l’emploi et pénalisant celles qui suppriment des emplois (b) une taxation orientée sur le capital des entreprises, y compris leur capital financier, maniant pénalisation et incitation à une utilisation efficace du capital (donc pas seulement l’ISF tel qu’il avait été vidé de son contenu mais son extension aux « biens professionnelle » ainsi qu’une taxe professionnelle refondue)
  • Crédit bancaire : les critères des prêts des banques, leur bonification/pénalisation, le suivi démocratique de ces prêts, à commencer par la BPI, la banque postale et la CDC ; voyons bien que la question de critères explicites et maîtrisés monte dans le monde entier à partir de la mise en cause de la recherche de rentabilité égoïste des actionnaires. C’est pourquoi, il s’agit de porter immédiatement l’exigence de la constitution d’un pôle public bancaire pratiquant un autre crédit à partir des institutions financières existantes, et de nationalisation des grandes banques privées.

En quoi consiste un autre crédit ? C’est un crédit aux investissements matériels et de recherches qui incite à développer l’emploi et la création de bonnes richesses (VA et économies de matières et pollutions) et pénalise les autres utilisations, au lieu d’un crédit à l’accumulation du capital et qui incite à développer les profits. Concrètement, le taux crédit est d’autant plus diminué que sont programmées des créations d’emploi et une bonne production, jusqu’à des taux négatifs. Il est relevé sinon, jusqu’à être prohibitif. C’est le mécanisme du crédit bonifié.

  • Fonds publics à l’appui de tout ce qui précède, au lieu d’être à l’appui de la baisse du coût du travail et en compensation de la rentabilité, à commencer par marteler la suppression des 20 milliards de CICE. Il s’agirait de créer des Fonds régionaux, et un fonds national, de sécurisation de l’emploi et de la formation qui ne prêterait pas à la place des banques mais viendrait en levier sur elles, pour bonifier le crédit ou le garantir, avec un critère emploi et valeur ajoutée.
  • Création monétaire de la Banque Centrale européenne, avec ses deux dimensions :
  • services publics, par un Fonds européen de développement social et écologique solidaire,
    • levier sur les banques en réservant le refinancement de la BCE à taux zéro, voire négatif, pour les crédits aux investissements les plus porteurs de VA et d’emploi. La Banque de France peut impulser immédiatement ce type de crédit, un certain nombre de texte européens peuvent être utilisés en ce sens dans un bras de fer politique et une lutte.

Il s’agit, je crois, de contribuer à la montée une grande bataille pour des conférences régionales, départementales et nationale de sécurisation de l’emploi et de la formation pour une transformation écologique et sociale, à partir des actions et mobilisations multiformes qui vont se développer dans les mois qui viennent, aussi bien sur les services publics, que sur l’emploi, les « restructurations » industrielles ou, probablement, sur la vie chère, l’exigence de dignité portée par la jeunesse des quartiers populaires, les éléments de désarroi et de colère dans les cités populaires.

Conclusion

La période actuelle nécessite de faire grandir une posture de résistance par l’alerte de la gravité de ce qui est en cours et en donnant un sens à ce qui se construit, y compris en termes d’alternative. L’heure n’est pas à des appels et appels de sommet, ni à des programmes gouvernementaux « à blanc ». Elle est à organiser, nourrir, l’intervention du parti communiste, en lien avec les exigences, à partir d’elles, mais pour aller au-delà, les dépasser et les politiser. Le rôle des propositions, y compris chiffrées, que nous allons être amenés à faire est avant tout celui-ci.

La bataille qui s’ouvre pour la SEF et une conversion écologique et sociale révolutionnaire de la production à travers des comités de mobilisation multiforme (santé, industrie, …) est très politique. Elle fait de l’argent et des institutions qui les gèrent un enjeu central, pivot, les banques ne sont-elles pas les nouveaux « tanks » de la lutte qui se joue ?

Cette lutte, comme je l’ai écrit, passera par la constitution d’un grand mouvement populaire, citoyen et créatif contre la domination du capital pour une sécurisation de l’emploi, de la formation et de tous les moments de la vie.

C’est dire nos responsabilités d’appui et d’apport à tout le parti, à sa direction nationale, à ses secteurs de travail, à ses fédérations. C’est de cela aussi qu’il nous faut discuter. Je mets en discussion de proposer de construire collectivement pour l’automne une séance du conseil national sur l’emploi et sa sécurisation pour construire cette grande bataille que nous devons faire monter. C’est, à mon sens, la même que celle qui peut nous permettre de créer les conditions d’une candidature communiste marquante et réussie à l’élection présidentielle de 2022.

Annexe :

Extrait du projet de proposition de loi pour des conférences régionales et une conférence nationale pour sécurisation de l’emploi et la formation et pour une transformation écologique et sociale

(Etat actuel du projet)

ARTICLE 3

Lancement d’une négociation nationale interprofessionnelle avec les partenaires sociaux pour préciser les modalités de financement et mise en œuvre des mesures proposées

Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel se réunissent en vue d’aboutir à un accord national et interprofessionnel sur les dispositifs d’accompagnement des salariés pour faire face à la crise économique, combattre le chômage et les suppressions d’emploi, sur les modalités de financement et de mise en œuvre du contrat de transition et du congé de transition, notamment, le champ des salariés éligibles, et la définition des actions d’accompagnement et de formation prévus par ces deux dispositifs en priorisant des objectifs écologiques et sociaux.

Article 4

Conférences régionales et nationale pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale.

Le chapitre II du titre Ier du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par des articles L. 5112-3 L. à 5112-5 ainsi rédigés :

« Art. L. 5112-3. – Dès la promulgation de la présente loi, le Préfet de région, conjointement avec le Président du Conseil régional et le président du CESER, convoque une conférence régionale pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale.

« Participent à ces conférences les organisations syndicales locales, les associations concernées, des élus locaux, des représentants des entreprises, des institutions financières, des services publics de l’emploi et de la formation, les membres de la commission régionale. Un décret précise les modalités de cette participation.

« Ces conférences définissent les objectifs de production prioritaires des différentes filières industrielles pour faire face aux urgences sanitaires, sociales et écologiques, établissent des objectifs chiffrés en ce qui concerne les créations d’emplois et les programmes de formation avec les d’investissements nécessaires pour atteindre ces objectifs, et définissent les ressources financières à mobiliser au titre des fonds publics et au titre des crédits bancaires en impliquant les institutions financières publiques (FDES, BPI, Banque Postale, Caisse des dépôts). Ces objectifs font l’objet d’engagements contrôlables de la part des différents acteurs économiques et sociaux (entreprises associations, collectivités locales).

Elles débattent également de l’efficacité des politiques nationales et régionales d’emploi et de formation, des besoins des populations, des pratiques des entreprises implantées dans la région, du rôle des services publics de l’emploi et de la formation, des transformations à opérer, d’objectifs de création d’emploi et objectifs de réduction des écarts de salaires entre les hommes et les femmes, des moyens financiers à mobiliser.

« La presse est admise aux séances. »

« Art. L. 5112-4. – Une conférence nationale pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale est constituée de représentants des organisations participant aux conférences pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale, de représentants de l’Assemblée nationale, de représentants du Sénat et de représentants du Conseil économique, social et environnemental. Cette conférence recueille le résultat des travaux des conférences régionales et établit sur cette base un projet de plan de lutte pour la préservation de la santé de la population et pour la sécurisation de l’emploi et de la formation, en vue de contribuer à la transformation écologique et sociale de l’économie. Elle dispose d’un droit de tirage sur les 20 milliards d’euros alloués par l’Etat pour les entreprises. Ce plan fait l’objet d’un projet de loi soumis par le gouvernement au Parlement.

« Art. L. 5112-5. – Les commissions régionales pour la sécurisation de l’emploi et de la formation et pour la transformation écologique et sociale exercent un contrôle sur l’utilisation des fonds publics engagés à l’appui du plan de lutte pour la préservation de la santé de la population et pour la sécurisation de l’emploi et de la formation. Elles peuvent être saisies par les membres des comités sociaux et économiques des entreprises lorsque ceux-ci constatent un manquement aux engagements associés à l’attribution de ces fonds publics. Elles peuvent également être saisies par les CSE ou les Elus territoriaux ou nationaux pour des propositions alternatives en cas de délocalisation ou de plans de suppressions d’emplois.


[1]    Pour des textes plus courts, on peut renvoyer soit à Paul Boccara, Le Capital de Marx son apport et son dépassement (p. 153), soit au numéro de janvier-février 2017 de la revue Economie & Politique (p. 38-41).

[2]    « le règne de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur ; il se situe donc, par sa nature, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite (…). Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C’est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s’épanouir qu’en se fondant sur l’autre royaume, sur l’autre base, celle de la nécessité. » (in Le Capital, Livre 3, page 742 de l’édition de 1976 des Editions sociales)

[3]    Et encore, pour les fonctionnaires, les modes de gestion avec la mobilité imposée et les restructurations permanentes, comme la récente mise à bas du statut de la fonction publique, tendent précisément à précariser les fonctionnaires et à revenir sur les avancées de sécurité offertes par le statut, y compris avec ses mobilités et moyens de formation. Au rebours, il faudrait développer ces deux éléments – sécurité et droit à la formation – avec des mobilités plus ouvertes  et mieux maîtrisées.

[4] Un revenu peut être avancé, mais alors il doit être produit ensuite, sinon il y a inflation et/ou baisse de valeur de la monnaie

[5]    L’efficacité du partage des coûts est en lien avec la nature de l’information qui se partage alors que son cloisonnement et son appropriation son coûteux. En revanche, une machine-outil (révolution industrielle) s’approprie et ne se partage pas.

[6]    Actuellement il semble que le financement est équilibré par l’Etat à travers l’utilisation de son propre déficit, donc in fine la question est : financement par création  monétaire versus par emprunt sur les marchés financiers.