Santé : une nouvelle créativité pour sortir de la crise

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Version longue de l’article paru dans L’Humanité du 14 mai 2020

Il faut préparer dès maintenant un plan d’urgence pour sortir de la crise où ont été plongés les hôpitaux et le système de santé par le rationnement des dépenses publiques et sociales et de leur financement, visant à monter les prélèvements financiers du capital. La longue grève des personnels hospitaliers nous avait alertés,  pourtant malgré la non- réponse aux revendications, un mouvement extraordinaire de solidarité et de créativité s’est levé dans tout le pays, abolissant les hiérarchies et la coupure médecine de ville – hôpital, des étudiants aux professeurs de médecine et aux chercheurs, des aide- soignantes, des infirmières et des autres personnels hospitaliers, des médecins de ville aux pharmaciens, etc.

Il nous faut construire l’avenir et mettre en chantier une  réorganisation progressiste, en rupture avec  le démantèlement de l’hôpital, partant des propositions des personnels,  ce qui exige  un nouveau financement.  Ce  plan concernerait aussi la démographie médicale, la couverture territoriale, les relations ville- hôpital, les Ephad et les personnes âgées dépendantes, la psychiatrie, etc. Il faut s’attaquer à la désertification médicale et aux inégalités sociales et régionales de santé,  répondre à l’exigence de proximité de la population à partir d’un maillage territorial impliquant centres de santé, médecins de ville, hôpitaux. Il faut créer 100 000 emplois à l’hôpital et titulariser les contractuels,  élaborer un plan de développement des formations, construire une sécurité d’emploi et de formation permettant l’adaptation aux modifications techniques avec la promotion salariale et sociale des  personnels. Il faut mettre un terme à la souffrance des personnels et des malades, en promouvant de nouvelles conditions de travail et de vie et en donnant un vrai pouvoir aux instances de représentation du personnel. Un moratoire sur les suppressions de lits, les fermetures d’hôpitaux et de services permettrait l’élaboration des projets médicaux avec les organisations syndicales, les élu-e-s, les associations d’usagers. Il faut stopper la montée des partenariats public/privé et les privatisations, la vente de biens fonciers et immobiliers.

Un nouveau financement de la Sécurité sociale et de l’hôpital pour répondre aux besoins du  XXIème siècle.

Il faut promouvoir la prise en charge de tous les soins prescrits à 100% par la sécurité sociale. Il s’agirait d’accroître les rentrées de cotisations à partir d’un accroissement et une modulation des cotisations patronales, branchés sur le développement des salaires et des emplois, afin que les entreprises qui suppriment des emplois et compriment les salaires, ou ne respectent pas l’égalité salariale femme/homme, voient leur taux de cotisation s’élever. Pour faire face à l’urgence  tout en combattant la financiarisation, on instituerait une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques  (dividendes et intérêts), à même hauteur que la cotisation patronale sur les salaires, affectée au système de santé et aux EHPAD. Il faut rompre avec les enveloppes fermées limitées, notamment pour l’hôpital, avec un objectif national des dépenses (ONDAM)  relevé pour répondre aux besoins. La dette  explosive des hôpitaux, liée à la restriction des financements, doit être convertie en une dette à long terme et à 0 % d’intérêt des emprunts, avec la construction d’un Pôle financier public  et un nouveau rôle  de la Caisse des Dépôts et Consignations. La puissance de création monétaire de la BCE peut être mobilisée pour financer à taux négatif, ou par des avances non remboursables,  le développement des systèmes de santé,  à travers un Fonds européen de développement des services publics. En France, pour l’hôpital, nous proposons le  remboursement de la TVA, qui constitue un prélèvement indirect de l’Etat sur la Sécurité Sociale ( 4 Mds€), ainsi que la suppression de la taxe sur les salaires.  Il faut  remplacer le mode de financement actuel de l’hôpital : la T2A qui incite aux actes rentables, à la mise en concurrence et à la privatisation,  proposer un nouveau mode de financement répondant aux besoins et mettant en avant des critères d’efficacité sociale. En outre il faut un plan d’urgence de financement des dépenses d’investissements, de formation et de recherche pour l’Hôpital, ( qui sont à la charge de l’Etat).

 Une grande loi de santé publique devrait être élaborée afin de sortir  des lois Bachelot/Touraine/Buzyn.  

Concernant l’hôpital, il faut promouvoir une gestion réellement démocratique permettant l’évaluation des besoins, supprimer les Groupements hospitaliers de territoires imposés, et les regroupements par  pôles qui tendent à monter les privatisations. Il faut aussi un volet  soins de ville avec la création d’un service public de soins primaires, un volet  psychiatrie.   Un volet  prévention.  

Concernant les Ephad, la crise sanitaire a fait environ 10 000 décès, révélant une situation dramatique. Les politiques gouvernementales d’austérité conjuguées à la gestion financière des groupes privés comme Korian ont abandonné les résidents et les malades de ces structures sanitaires. Il faut créer100000 emplois. Nous proposons un service public des personnes âgées, articulé à un grand service public hospitalier et de santé de qualité regroupant l’ensemble des besoins et des structures sanitaires et sociales.

Un pôle public du médicament et des biens médicaux permettrait de s’émanciper de la dépendance à l’égard des autres pays et de la domination des multinationales, réarmer nos industries de santé.

Ce Pôle Public concernerait la recherche, la production,( vaccins, masques, tests, réanimateurs), la distribution.  Il faut rompre avec les scandales sanitaires, les pénuries de médicaments et de biens médicaux dans les pharmacies.  Le marché capitaliste financiarisé est incapable de répondre aux besoins de la population. Les nationalisations ou réquisitions nécessaires exigent  des  pouvoirs réels d’intervention des travailleurs dans la gestion des entreprises. Construire un système de santé novateur nécessite la promotion du rôle central des services publics, de la Sécurité sociale, de la recherche fondamentale.  Il faut mobiliser les compétences et les énergies considérables en matière de santé, de la médecine de ville aux hôpitaux, aux laboratoires et aux pharmacies. Au-delà nous voulons construire une nouvelle civilisation fondée sur la coopération et le développement du  non- capitaliste, pour réaliser dès maintenant « les jours heureux ».